Des milliers de satellites à protéger
L’espace est soumis à un bombardement constant de particules dangereuses pour les satellites. À l’ONERA, Jean-François Roussel et Sophie Duzellier étudient leurs effets. Objectif : protéger les nouvelles générations de satellites à propulsion électrique, et ceux des constellations low cost.
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ESPACE Quand les laboratoires boostent l'innovation
Lire le dossierPropos recueillis par Jean-François Haït, journaliste scientifique.
Pourquoi l’espace est-il dangereux pour les satellites ?
Jean-François Roussel : Parce que la Terre possède un champ magnétique, dont l’influence s’étend à des milliers de kilomètres dans l’espace. Ce champ capture des protons et électrons émis par le Soleil ainsi que d’autres particules venues de l’espace lointain, qui circulent à grande vitesse. Les satellites sont régulièrement soumis à ces flux de particules qui leur occasionnent des dommages parfois graves.
De quels dommages s’agit-il ?
JFR : De dommages sur leur électronique interne. Par exemple, une particule qui heurte un composant électronique provoque une ionisation localisée. Le résultat est par exemple un pixel surexposé sur l’image prise par une caméra. Ou encore une erreur de données dans une mémoire. Ou pire, une défaillance destructive sur un composant électronique subissant un court-circuit. Mais les doses de particules reçues se cumulent aussi, et altèrent les performances des composants au fil du temps.
Sophie Duzellier : Les dégâts sont aussi externes. En effet, ces particules provoquent des décharges électriques destructrices sur les panneaux solaires des satellites. Avec les rayons UV du Soleil, elles dégradent aussi les matériaux dont ils sont enveloppés, comme les revêtements et films de contrôle thermique.
Comment étudiez-vous ces phénomènes à l’ONERA ?
JFR : Au Département environnement spatial, nous utilisons des modèles physiques du comportement des atomes bombardés par des particules, aussi bien pour des collisions ponctuelles que pour une exposition continue et lente. L’objectif est de concevoir des modèles prédictifs, qui aideront les industriels à savoir comment les composants de leurs futurs satellites vont résister à cette menace, et à dimensionner le mieux possible leurs systèmes de protection. Car, dans l’espace, chaque gramme compte !
SD : Dans nos laboratoires, grâce à des accélérateurs de particules, nous pouvons simuler en trois mois ce que la surface d’un satellite géostationnaire subit en vingt ans ! Nous mesurons aussi les flux réels de particules, là où elles parviennent jusqu’au sol : au pic du Midi, au Brésil et en Antarctique.
On sait depuis longtemps que les satellites sont soumis à ces effets. Y a-t-il un nouvel enjeu à les étudier ?
SD : Oui, car les constellations de satellites dédiés au web, comme O3B 3, vont se multiplier. Elles se fondent sur un modèle économique low-cost, et seront donc construites avec des composants du commerce, pas forcément conçus pour le spatial. Vont-ils pouvoir résister à ces effets ? L’enjeu pour nous sera de mettre au point des tests spécifiques pour ces composants toujours plus performants et dont nous ne connaissons pas bien la composition.
JFR : Aujourd’hui, un satellite de télécom doit emporter la moitié de son poids en carburant afin qu’il puisse atteindre son orbite géostationnaire à 36 000 kilomètres. Le coût est donc très élevé. Pour le faire baisser, les opérateurs misent sur de petits moteurs à propulsion électrique pour cette mise sur orbite. Mais elle sera beaucoup plus lente, ce qui veut dire que les satellites seront soumis plus longtemps au bombardement de particules. Comment vont-ils se comporter ? C’est ce que nous cherchons à savoir.