Le tube de Pitot : un incontournable de la mécanique des fluides
Instrument de mesure de vitesse indispensable en aéronautique comme en hydraulique, le tube de Pitot est inventé en 1732. Il est passé de mains en mains depuis près de trois siècles, témoin de l’histoire des sciences et des évolutions techniques.
Par l’équipe Exploreur, avec la collaboration d’Henri-Claude Boisson, chercheur CNRS à l' Institut de mécanique des fluides de Toulouse.
Henri Pitot a mis au point ce qu’il appelle dans son communiqué à l’Académie des sciences « la machine pour mesurer la vitesse des eaux courantes et le sillage des vaisseaux ». Cette machine est en réalité un ensemble de deux tubes reliés à un manomètre qui va passer à la postérité sous le nom de « tube de Pitot ».
Une idée simple…
Au XVIIIe siècle il est encore impossible d’effectuer une mesure locale de vitesse d’écoulement, ce « tube » va permettre d’y remédier. Et c’est une avancée considérable pour faire face, par exemple, aux crues des fleuves et des rivières, ou pour déterminer l’emplacement d’un moulin. La découverte de Pitot est simple, il propose d’inverser le concept de vitesse de chute libre de l’eau, connu depuis Torricelli. Il établit expérimentalement la relation entre la vitesse de l’écoulement et la remontée de l’eau au-dessus du niveau d’un canal dans un tube coudé placé face au courant. Henri Pitot vient d’apporter une contribution non négligeable dans ce domaine, et il en est le premier étonné : « l’idée de cette machine est si simple et si naturelle, que dès qu’elle me fut venue, je courus sur le champ à la rivière pour en faire un premier essai avec un tube de verre simple, et l’effet répondit parfaitement à mon attente. Après ce premier essai, je ne pouvais pas m’imaginer qu’une chose aussi simple, et en même temps très utile, eût pu échapper à tant d’habiles gens qui ont écrit et travaillé sur le mouvement des eaux ».
Ce n’est que plus tard que les travaux de Daniel Bernoulli (1738) permettront de donner une justification théorique précise à ce dispositif en liant la vitesse à la pression dynamique et la hauteur d’eau à la pression statique, permettant ainsi une généralisation du principe à tout type de fluide et à une grande variété de situations.
… qui a fait son chemin
Cependant si ce tube est un apport important pour l’hydraulique, son utilisation restait peu pratique, comme l’écrit Charles Camichel, physicien toulousain, directeur de l’Institut électrotechnique de Toulouse (IET), dans un rapport de 1938 : « la mesure de la hauteur h étant rendue difficile par suite des mouvements de la surface libre du courant ». Henry Darcy, hydraulicien français, avait pourtant amélioré le procédé à partir de 1858, en adjoignant sur une même sonde un deuxième tube. Les deux tubes sont reliés par la partie supérieure, un robinet permet d’effectuer une aspiration pour faire remonter les niveaux dans les tubes à une hauteur qui facilite l’observation de la différence de cote. On peut ensuite déduire la vitesse. L’ingénieur et physicien allemand Ludwig Prandtl va perfectionner un peu plus le dispositif de prise des deux mesures simultanées de pression créant une sonde compacte utilisée notamment en aérodynamique.
De plus en plus performant
L’utilisation de ces tubes s’étend ensuite à d’autres domaines pour mesurer la vitesse d’écoulement d’autres fluides comme les gaz. Il devient anémomètre en météorologie, calculateur de vitesse sur les voitures de formules 1 et la plupart des avions. Si cet instrument que l’on appelle désormais la sonde de Pitot doit évidemment beaucoup à son inventeur, sa longévité a été assurée par les améliorations successives. Ce sont donc ces scientifiques, à différentes époques qui ont repris l’idée, et adapté l’instrument aux nouveaux besoins. Et comme toujours, ce sont ces transformations nécessaires qui ont assuré sa longévité : l’histoire continue...
Henri Pitot, tout comme son tube, a eu plusieurs vies : mathématicien, astronome, chimiste, physicien mais aussi mécanicien, ingénieur, architecte, géomètre. Membre de l’Académie des Sciences, il a laissé de nombreux mémoires.
Et finalement, il est nommé Directeur du Canal Royal du Languedoc et des travaux publics de la sénéchaussée de Nîmes-Beaucaire en 1742. Il passe dans son Languedoc natal les 20 dernières années de sa vie.
Découvrez la vidéo "Le tube de Pitot" réalisée en 2019 par l'École nationale supérieure d'audiovisuel de Toulouse (ENSAV), avec Henri-Claude Boisson de l’IMFT et Philippe Fernandez de l’École nationale supérieure d'électrotechnique, d'électronique, d'informatique, d'hydraulique et des télécommunications (Toulouse INP - ENSEEIHT).