La tomate du futur s’adapte à la chaleur
Le projet européen TomGEM coordonné par Toulouse INP a pour but de comprendre les mécanismes qui permettent aux plantes de maintenir un haut rendement de production malgré le réchauffement climatique en cours. La tomate qui est une plante d’intérêt agronomique de premier plan est utilisée comme modèle dans le projet TomGEM.
Par Anne Debroise, journaliste scientifique.
« Les périodes de grande chaleur, de plus en plus fréquentes avec le réchauffement climatique, induisent des pertes de rendement considérables aux productions fruitières et légumières pouvant atteindre 70 à 90 % chez la tomate » prévient Mondher Bouzayen, qui dirige le laboratoire Génomique et Biotechnologie des Fruits, une unité mixte de l'Institut National Polytechnique de Toulouse et de l'INRA.
Il existe pourtant dans la nature des tomates qui sont adaptées à la chaleur, mais ces variétés sont pour la plupart sans intérêt économique car elles produisent des fruits de mauvaise qualité, parfois même non-comestibles. L’idée directrice est de caractériser les facteurs génétiques qui président à leur résistance aux hautes températures afin de les transférer à des variétés commerciales ?
C'est l'objectif que poursuit le projet TomGEM, en réponse à un appel d'offre de l'Union européenne. Lancé en mars 2016, son financement sera de 5,6 millions d'euros sur quatre ans. Il rassemble 18 partenaires venant pour moitié du secteur de la recherche académique (laboratoires européens, taïwanais et argentins), alors que le reste est issu du secteur semencier et des associations de producteurs. L'ensemble est coordonné par Mondher Bouzayen, dont le laboratoire a participé au séquençage du génome de la tomate en 2012.
Pour le chercheur, le choix de la tomate s'imposait : avec 160 millions de tonnes produites en 2012 selon la FAO, la tomate est le deuxième légume (quoiqu’ étant un fruit au sens scientifique) le plus consommé dans le monde après la pomme de terre. C'est également un fruit modèle en agronomie :
« Elle est facile à cultiver, avec un cycle de reproduction très court de 2 à 3 mois, ce qui permet de faire plusieurs récoltes dans l'année et de voir rapidement l'effet des croisements. »
Des variétés d'Amérique du Sud, du Bulgarie et de Taïwan
TomGEM vise à explorer la variabilité génétique naturelle existant dans le monde pour cette espèce. Les équipes impliquées travaillent sur des variétés rustiques, répertoriées dans les banques de semences au sein de différent pays européens mais également en Amérique du sud d’où la tomate est originaire et où l'on trouve les variétés les plus anciennes de ce fruit. Ainsi, le projet bénéficie de la contribution de l'Université de Buenos Aires en Argentine, de National Taïwan University à Taipei (NTU) et du World Vegetable Center (AVRDC) une institution internationale sous l’égide de l’ONU située à Taïwan. En Europe, différentes collections sont exploitées comme celle très ancienne du Maritsa Vegetable Corps Research Institute de Plovdiv en Bulgarie. Les travaux s'inspirent de variétés adaptées à différents types de climats chauds développées au sein de ces institutions.
« Nous cherchons par exemple à identifier les variétés dont le pollen est capable de fertiliser les fleurs et produire des fruits à haute température. C'est cette étape qui constitue l’un des facteurs clés du rendement dans les climats chauds »
explique Antonio Gradell Richart, chercheur à l'Institut de biologie moléculaire et cellulaire des plantes (IBMCP, Valence, Espagne).
Ces variétés seront ensuite séquencées afin d'identifier les gènes responsables du caractère de tolérance. Les résultats obtenus seront ensuite transférés aux semenciers qui pourront les intégrer dans leurs schémas de sélection et entreprendre des croisements avec des variétés « élites » (à haute valeur commerciale) afin de créer des lignées présentant à la fois un bon rendement, de bonnes qualités gustatives et nutritionnelles, et une bonne adaptation aux fortes chaleurs.
Gènes sous haute surveillance
Le transfert de gènes d'un organisme à l'autre, même s'il se fait par simple croisement (et non par manipulation génétique), soulève régulièrement des polémiques : à qui appartiennent les séquences transférées ? Aux populations locales ou aux semenciers ? Que peut-on breveter ? N'a-t-on pas introduit des facteurs potentiellement allergènes ? Afin de faciliter les futures décisions, Toulouse INP a prévu de répertorier précisément tous les transferts de gènes effectués.