Portrait d’une sage-femme engagée pour la recherche
Sage-femme de formation, Mathilde Bergamelli a une conviction : la recherche est indispensable pour améliorer les soins cliniques. Difficile mais passionnant de concilier la théorie et la pratique. Assoiffée d’expériences, cette doctorante enrichit son métier par son projet de recherche mais n’hésite pas également à rencontrer l’artiste brésilien de street-art Heitor Corrêa pour sa thèse sur un mur !
Par Christine Ferran, de l’équipe Exploreur
« Les sages-femmes doivent faire de la recherche pour toujours améliorer leur pratique et mieux comprendre la santé obstétrique et la santé des femmes en général » explique Mathilde Bergamelli avec conviction.
Elle obtient un master en infectiologie, s’inscrit en doctorat et s’intéresse particulièrement à la santé reproductive. Après son stage au Centre de physiopathologie Toulouse Purpan (CPTP), elle comprend vite qu’il y a peu de postes d’accueil de chercheuse pour les sages-femmes. Elle voudrait pourtant, à terme, faire un post-doctorat et exercer son premier métier en parallèle. Elle connaît une autre sage-femme à l’Inserm : Anne Chantry qui est aussi épidémiologiste dans un laboratoire à Paris. Elle précise que le collège national des sages-femmes a une mission de recherche. En Angleterre, aux Pays-Bas et en Suisse on lie bien davantage la clinique et la recherche.
Lutter contre le cytomégalovirus
Mathilde est aujourd’hui en deuxième année de thèse sous la direction de Cécile Malnou, enseignant-chercheuse à l'université Toulouse III - Paul Sabatier, dans l’équipe intitulée « Pathogenèse des infections virales du système nerveux central adulte et en développement » dirigée par Daniel Dunia, au sein du CPTP. Son sujet : « Impact de l’infection congénitale par le cytomégalovirus (CMV) sur la sécrétion de vésicules extracellulaires placentaires et conséquences sur le développement cérébral ».
C’est quoi ce virus ? un virus « strictement » humain qui engendre des maladies chez les personnes immunodéprimées ou chez la femme enceinte qui s’infecterait pour la première fois. Les conséquences sont variables.
Le CMV est dans tous les liquides biologiques. Par exemple, les enfants peuvent s’infecter à la crèche qui est une véritable usine de réplication virale. En France, 50% de la population est infectée par le CMV. Par conséquent, 50% risque la primo-infection. Chez les fœtus, le système nerveux central peut être atteint provoquant surdité ou cécité ou des lésions visibles par imagerie médicale : calcification, cerveau lisse, lésions, etc. « Dans le cadre du suivi de grossesse par échographie, on regarde les ventricules et on est attentif s’ils sont plus gros que la normale. Un fœtus petit peut être un autre signe d’une infection », explique Mathilde.
« La prévention est utile pour diminuer la transmission. On ne fait pas assez de prévention, et puis une maladie qui ne touche que les femmes intéressent moins malheureusement »,
déplore Mathilde.
Diffuser ses connaissances avec « Ma thèse sur un mur »
Raconter son projet de recherche à travers l’art est un bon moyen de parler de ce virus, de cette infection. « J’ai reçu un message de l’école doctorale Biologie, santé et biotechnologies, qui expliquait ce projet « Ma thèse sur un mur » qui implique une ou un doctorant et un artiste de street art. »
Mathilde envoie son projet de thèse consciente que pour un artiste de street art il va falloir donner des explications… Après un tirage au sort, c’est Heitor Corrêa, un artiste brésilien qui va illustrer sa thèse.
« Il m’a posé plein de questions. On parlait anglais. J’avais regardé son portfolio. Ma mère est peintre et elle m’a transmise sans doute une fibre artistique… J’ai mis un véto, un seul : ne pas illustrer la mort fœtale ou les fausses couches, les pires conséquences de cette infection par le CMV »
raconte Mathilde.
Mathilde a dû trouver les mots simples pour qu’Heitor puisse comprendre et au-delà d’Heitor pour informer la population de ce virus, de cette infection et la sensibiliser à l’importance de la prévention. « Dire aux femmes enceintes d’éviter de mettre à la bouche la tétine de leur enfant qui va à la crèche, de bien se laver les mains, etc. font partie des messages de prévention qui peuvent limiter la transmission ».
« Il m’a envoyé des croquis préparatoires. Il a représenté des concepts sous forme d’animaux. La cigogne, par exemple, représente la maternité et dans son œil on distingue un fœtus ». À chacun son langage… La fleur de lys représente le cordon et c’est aussi le symbole de la fertilité. Le serpent représente le caducée, mais aussi le poison « ce qui rend malade et ce qui soigne ». Mathilde explique qu’Heitor a travaillé bénévolement et espère qu’à l’avenir ce projet aura les fonds nécessaires pour rémunérer les artistes.
« Ça m’a ouvert l’esprit, il n’y a pas que la recherche et le labo. On ne parle pas assez de ce qu’on fait. Communiquer c’est vital ! ».
Le projet “Ma Thèse sur un Mur” est né de l’initiative d’un étudiant de l’Université de Toulouse - Jean Jaurès. Grâce à une dynamique du laboratoire de recherche en audiovisuel - Savoirs, praxis et poïétiques en art (LARA-SEPPIA), de l’école doctorale Allph@, pour la divulgation du savoir par des moyens innovants, Daniel Virguez, doctorant d’origine colombienne, a imaginé un syncrétisme entre art urbain et recherche académique.
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CPTP : Centre de physiopathologie Toulouse Purpan (Inserm, CNRS, Université Toulouse III - Paul Sabatier)