Agressivité verbale des clients : comment faire face ?
Un salarié français sur sept affirme qu’un client lui a « mal parlé » au cours de l’année écoulée, les employés des centres d’appel étant parmi les plus maltraités. Sarah Boujendar, chercheuse à Toulouse School of Management leur a consacré sa thèse de doctorat, s’intéressant aux conséquences de cette agressivité verbale sur leur santé et leurs performances.
Par Agnès Klarsfeld, journaliste.
Quelque 250 000 salariés français travaillent aujourd’hui dans des centres d’appels, soit environ 1% de la population active, qui tentent de vendre produits et services par téléphone ou répondent aux réclamations. Comment supportent-ils les critiques, les récriminations, voire les injures des consommateurs ? Pour le comprendre et le mesurer, Sarah Boujendar a interrogé quotidiennement pendant dix jours, 150 employés, dans trois structures différentes, publique et privée, en France et également au Maroc où une bonne partie du secteur a ouvert des centres.
« Les salariés devaient m’indiquer chaque soir sur une échelle de 1 à 7 le niveau d’agressivité verbale qu’ils avaient ressenti pendant la journée et leur état émotionnel et cognitif à la fin de la journée de travail que je remesurais également le lendemain matin avant qu’ils ne commencent leur journée de travail Je croisais ensuite ces données avec l’estimation de leur performance quotidienne mesurée au travers d’indicateurs objectifs »,
explique la jeune chercheuse, docteure en sciences de gestion à Toulouse School of Management,
Le résultat de l’étude est très net. Les nuits ne suffisent pas à récupérer, lorsqu’on a subi des agressions verbales, propos irrespectueux, virulents ou simplement condescendants. Le lendemain matin, les employés restent épuisés et leur productivité le soir s’en ressent.
Des solutions pour lutter contre le turn-over
Ces recherches, couronnées par le prix de thèse de l’AGRH et le Prix FNEGE de la meilleure thèse en Management (thèse en 180 secondes), permettent également de tracer des pistes d’action pour les entreprises, confrontées à un très fort turn-over, avec un quart des salariés qui quittent chaque année leur emploi.
Pour Sarah Boujendar, un fort soutien de l’organisation vis-à-vis de ces salariés est vital. « Des formations, en particulier des mises en situation, peuvent les aider à mieux répondre à cette agressivité verbale. Les groupes de paroles sont aussi très efficaces pour faire baisser la pression », observe la chercheuse.
Elle suggère aussi des modifications organisationnelles au travers du soutien du superviseur. « Quand un salarié vient d’être confronté à des propos particulièrement virulents, il est souhaitable que le chef d’équipe dispose de l’autonomie suffisante pour lui octroyer sans attendre une pause qui lui permettra de souffler un peu. Sans cela, son efficacité va fortement chuter. Il arrive même qu’il se mette, sans le vouloir, à devenir lui-même désagréable, jusqu’à saboter son travail », dit-elle.
La jeune femme préconise également de donner une plus grande marge de manœuvre aux employés eux-mêmes.
« Lorsqu’ils sont totalement coincés dans un script prédéterminé, les téléconseillers apparaissent aux clients comme moins compétents. Ils suscitent alors plus d’agressivité verbale et ont plus de difficultés à le gérer ».