Emballages alimentaires : vers un impact environnemental neutre ?

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Emballages alimentaires : vers un impact environnemental neutre ?

emballage cafe
© by Unsplash

Dans le secteur des emballages alimentaires, les enjeux se multiplient. Alors qu’ils doivent répondre à de nombreuses contraintes pour respecter l’intégrité des produits, on exige de plus en plus qu’ils soient recyclables, voire « biodégradables » ou « compostables ». Philippe Evon, du Laboratoire de chimie agro-industrielle, travaille sur le développement d’emballages issus de matière végétale. Un virage que l’industrie agro-alimentaire doit prendre rapidement pour respecter les normes.

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Par Paul Périé, journaliste scientifique.

Dans l’agroalimentaire comme ailleurs, la problématique des emballages plastiques est devenue un enjeu majeur des politiques de lutte contre le changement climatique. Aujourd’hui essentiellement issus du pétrole, ils représentent une consommation de matière première conséquente et des émissions de gaz à effet de serre colossales. Preuve de cette prise de conscience, le décret n° 2016-1170 du 30 août 2016 vise à « interdire à partir du 1er janvier 2020 la mise à disposition des gobelets, verres et assiettes jetables en matière plastique, à l’exception de ceux compostables en compostage domestique et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées ». Initialement prévue pour cette année, cette contrainte, qui concerne également les emballages alimentaires à usage unique, a été reportée à janvier 2021 pour permettre à l’industrie de faire les efforts nécessaires.

Des recherches sur les agromatériaux

Pourtant, depuis des années déjà, des chercheurs du Laboratoire de chimie agro-industrielle (LCA) travaillent sur ces questions des matériaux biosourcés, plus spécifiquement de ceux issus de composants végétaux. Au sein de la Halle Agromat de Tarbes, structure de transfert de technologie du LCA, ils accompagnent des industriels jusqu’à la phase de pré-industrialisation.

Portrait Philippe Evon
© Patrick Dumas

« Les agromatériaux sont des matériaux composites moulés à l’aide de techniques classiques de plasturgie (extrusion, moulage par injection, compression à chaud). Ce sont des matériaux composites au sens où, dans la matière de départ, on va retrouver des fibres végétales, qui vont jouer le rôle de renfort mécanique, et certains biopolymères bien spécifiques, qui servent de liant naturel. Cette sorte de colle va être fondue au moment de la mise en forme et donnera une cohésion à la pièce finale en assemblant les fibres entre elles »

explique Philippe Evon, ingénieur de recherche au LCA.  

Concrètement, ces agromatériaux ou matériaux biosourcés, utilisent à la fois des fibres végétales et d’autres composants issus des plantes.

Adapter les agromatériaux au contact avec la nourriture

Dans le cadre d’emballages alimentaires, l’utilisation de matériaux biosourcés nécessite de tenir compte de diverses contraintes liées notamment au contact avec la nourriture. « Dans le cas d’un contact avec de l’eau ou en cas de variation de l’hygrométrie de l’air ambiant, nous sommes rapidement limités, car les biopolymères que nous utilisons n’ont pas forcément une bonne tenue à l’eau, indique Philippe Evon. On peut alors être amené à ajouter des bioplastiques de synthèse, le plus souvent issus eux-mêmes du végétal. »

Pour illustrer ce cas de figure, le chercheur évoque la collaboration avec la société Vegeplast, née d’une thèse de doctorat effectuée au sein de son laboratoire. Basée sur l’utilisation du maïs – la tige comme renfort fibreux et l’amidon du grain comme liant – l’entreprise s’est aperçue que le seul amidon n’était pas assez résistant à l’eau. « Nous avons donc travaillé dans le cadre de trois autres thèses à l’incorporation d’un bioplastique de synthèse issu de l’amidon, pour obtenir des pièces beaucoup plus durables. »

Les matériaux doivent s’adapter aux procédés de fabrication auxquels ils doivent faire face. Il faut notamment que ces agromatériaux soient facilement moulables avec les procédés industriels existants et qu’ils aient une résistance mécanique suffisante pour supporter la manutention sans casser. Mais pour répondre aux contraintes de l’agroalimentaire, il est par ailleurs nécessaire de limiter la perméabilité aux gaz, en particulier à l’oxygène, pour ne pas impacter la date limite de consommation, et réduire au maximum la migration de constituants de la barquette vers l’aliment. Pour contourner ce risque, le laboratoire utilise des additifs alimentaires pour rendre les plastiques plus fluides, comme le glycérol (E422).

Du biodégradable industriellement au compostage domestique

La volonté d’avoir des matériaux biodégradables complexifie encore davantage la création d’emballages alimentaires à partir de ressources végétales.  « À cela s’ajoute la problématique de la fin de vie de ces pièces à usage unique », observe Philippe Evon. Lorsque l’on parle de biodégradable ou de compostable, c’est bien le devenir de ces emballages alimentaires qui est en jeu. Chaque nouvelle formulation subit donc une batterie de tests de compostabilité par des organismes de certification eux-mêmes validés par une entreprise européenne, TUV Austria.

Qui ne s’est jamais rassuré en achetant des capsules de café biodégradables, alors que ces dosettes sont souvent pointées du doigt pour leur impact écologique ? Pourtant, comme l’explique l’ingénieur de recherche du LCA, les mentions figurant aujourd’hui dans les rayons des magasins indiquent généralement que ces matériaux sont compostables industriellement et non domestiquement, ce qui peut créer une certaine confusion. Autrement dit, inutile de vous attendre à ce que vos capsules de café ou votre barquette se dégradent dans votre compost au fond du jardin ou sur votre balcon.

« Le PLA (acide polylactique) utilisé pour la fabrication de bon nombre de ces matériaux n’est pas compostable de cette manière. L’objectif est donc de développer, dans les années qui viennent, des mélanges de différents polymères biodégradables domestiquement »

poursuit Philippe Evon.

Pour cela, l’idée est d’utiliser des PHAs (polyhydroxyalcanoates), bien plus favorables à un compostage domestique. Il remplacerait le PLA, dont l’impact sur le changement climatique reste limité puisqu’il n’est pas d’origine fossile mais issu de ressources renouvelables.

Un coût encore trop élevé pour l’industrie

Aujourd’hui, les recherches du LCA s’intéressent à de nombreuses plantes. En matière de liants naturels, les biopolymères utilisés peuvent être des amidons de blé, de maïs ou de pois, des protéines d’oléagineux (tournesol, lin), de protéagineux (soja), voire des pectines de betteraves sucrières. Du côté des fibres, le champ d’expérimentation est également extrêmement vaste puisque toute fibre naturelle possède une aptitude à renforcer mécaniquement les matériaux plastiques. Philippe Evon s’est ainsi récemment intéressé aux pailles de coriandre, de lin ou de chanvre.

Si Vegeplast s’est lancée depuis plusieurs années dans la production de ce type de plastiques végétaux, le milieu industriel reste encore frileux, en raison notamment du coût bien plus important que celui du plastique d’origine fossile. Devant ce manque de volonté de l’industrie agroalimentaire, la mise en application du décret prévue en janvier 2020 a été repoussée d’un an. À titre d’exemple, l’utilisation d’un polystyrène (polymère issu du pétrole) coûte environ 1,50 €/kg, contre environ 2,50 € pour le PLA et entre 4 et 6 € pour un PHA. « C’est pour cela que nous les mélangeons à des fibres végétales qui ne coûtent presque rien, ce qui permet de revenir à des prix plus abordables », insiste Philippe Evon, qui milite par ailleurs pour l’utilisation de fibres disponibles localement.

Selon lui, toutes les pièces d’usage unique alimentaire, qu’il s’agisse d’emballages, de couverts ou de touillettes, auront tout intérêt à être fabriquées avec les matériaux développés au sein d’Agromat. « Les solutions techniques existent aujourd’hui mais l’argent demeure le nerf de la guerre dans l’industrie », analyse Philippe Evon.

Un cercle complètement vertueux ?

S’ils représentent aujourd’hui moins de 1% des plus de 359 millions de tonnes de plastique produites chaque année, l’avenir serait favorable aux plastiques d’origine végétale, notamment pour les emballages alimentaires. La capacité de production devrait passer de 2,11 millions de tonnes en 2019 à 2,43 millions en 2024. « Contrairement aux plastiques d’origine fossile, il s’agit de matières renouvelables et issues d’un carbone capté par la plante lors de la photosynthèse. On n’aura pas ce problème de raréfaction de la ressource, expose-t-il. Certains industriels nous reprochent de détourner des ressources alimentaires mais les surfaces mobilisées pour faire des bioplastiques comme le PLA ne représentent que 0,02 % des surfaces arables à l’échelle mondiale. » Pour appuyer cet argument, Philippe Evon ajoute que l’objectif est de développer au maximum l’utilisation de déchets de culture pour la fabrication de ces matériaux.

Ces emballages biosourcés, pas encore pris en charge par les filières de recyclage, pourraient cependant être collectés en vue d’un compostage. Le projet européen Bioplast, démarré en 2018, auquel collabore Philippe Evon, s’intéresse justement à toute cette problématique. S’inscrivant dans une démarche environnementale, « il a pour but de fabriquer des PHAs à base de déchets de culture et de développer pour le secteur agricole de nouvelles filières de valorisation et de traitement de ces bioplastiques en fin de vie (méthanisation, compostage) avec un retour au sol des biomasses résiduaires (digestat, compost), le tout dans un concept d'économie circulaire ». Un véritable cercle vertueux qui donne envie d’y croire.

 

Qu’est-ce qu’un biopolymère ?

Les matériaux composites assemblent plusieurs composants non miscibles, dans lesquels certains polymères assurent le rôle de liant. L’amidon, les protéines ou la cellulose sont des biopolymères, c’est-à-dire des polymères issus d’organismes vivants (polymères naturels). Il est également possible d’utiliser des bioplastiques synthétisés à partir de ressources renouvelables (polymères de synthèse biosourcés). Il faut les distinguer des polymères synthétiques, d’origine fossile, comme le polyéthylène par exemple. Parmi les bioplastiques commerciaux, PLA et PHAs sont les plus répandus. Le PLA (acide polylactique) est un bioplastique de synthèse obtenu par polymérisation chimique à partir d’une bioressource, l’acide lactique, elle-même issue de l’amidon. Les PHAs (polyhydroxyalcanoates) sont des bioplastiques produits par des micro-organismes.

 

LCA : Laboratoire de chimie agro-industrielle (INRAE et Toulouse INP – ENSIACET pour École Nationale Supérieure des Ingénieurs en Arts Chimiques et Technologiques)