L’espace est-il une zone de non droit ?
Plus de 36 500 objets, satellites, restes de fusée… tournent actuellement autour de la Terre, filant à toute vitesse à moins de 2000 kilomètres au-dessus de nos têtes. Et l’on envoie toujours plus de satellites dans l’espace. Comment réguler et gérer l’activité spatiale dans notre espace proche ? Existe-t-il des règles ou l’espace est-il une zone de non droit ?
Au crible de la science est un podcast fait avec et pour les lycéen.ne.s pour faire bouger nos idées reçues.
Dans Gravity, le film d’Alfonso Cuaron, si Sandra Bullock a failli mal finir, c’est bien à cause des débris d’un satellite venus percuter le télescope Hubble sur lequel elle travaillait (avec George of course, who else ?). Gravity est une fiction, mais le film est plutôt réaliste (pour info, le Cnes, l’Agence spatiale française, avait été consultée par le réalisateur).
36 500 objets de plus de 10 centimètres tournent au-dessus de nos têtes, dans ce qu’on appelle l’espace proche (entre 300 et 1000 kilomètres d’altitude environ). Les débris spatiaux sont répartis sur un large intervalle d’altitude. La grande majorité est en dessous de 2000 kilomètres, avec une forte concentration autour de 800 kilomètres. 36 500, oui, c’est beaucoup ! Surtout qu’un tiers seulement sont des satellites utiles, encore en activité. Le reste ? Des morceaux de fusées, des débris issus de l’explosion de vieux satellites (une batterie mal vidée, et boom !) ou des satellites hors d’usage…
La station spatiale internationale (ISS), qui orbite à 400 kilomètres au-dessus de nos têtes, doit régulièrement éviter des petits débris. Petits mais très rapides : 25 000 km/h. De vraies balles de fusil !
Mais que se passe-t-il en cas de collision ? Imaginons qu’un débris vienne percuter l’ISS, blessant, - oh my God ! - Thomas Pesquet ? Qui est responsable ? Et bien c’est le pays dont le satellite est à l’origine de l’accident, le pays qui a « commis la faute » ! Bon, encore faut-il pouvoir « prouver la faute », trouver l’origine du satellite ou du débris… Pas simple. D’autant que la définition de la faute, du point de vue de la loi, n’est pas la même qu’on soit Américain, Russe, Chinois ou Français.
L’espace n’est donc pas une zone de non droit ! Il existe des traités internationaux et des lois nationales. Elon Musk, par exemple, lorsqu’il veut envoyer une Tesla dans l’espace (si, si…) doit demander l’autorisation à la Nasa.
En 2008, la France a voté une loi assez exemplaire (un peu de chauvinisme…) : la loi sur les opérations spatiales, qui s’applique à tous les satellites et fusées lancés depuis la France, ou par des Français. Elle oblige à faire en sorte qu’ils ne polluent pas l’espace, une fois leur mission terminée. Par exemple, il faut prévoir de laisser un peu de carburant dans son satellite pour le faire rentrer dans l’atmosphère (pour qu’il s’y désagrège) ou l’envoyer sur ce qu’on appelle une orbite cimetière. Une espèce de « casse » de l’espace.
Des chercheurs et chercheuses imaginent même comment créer une usine de retraitement des déchets spatiaux, qui permettrait de réparer les satellites dans l’espace, et éviter de devoir en envoyer de nouveaux.
Le traité de l’espace signé en 1967 établit que l’espace appartient à tout le monde, qu’on ne peut pas se l’approprier. En revanche, n’importe qui peut, en théorie, l’exploiter. En suivant - heureusement - quelques règles. Car ça commence à se bousculer là-haut : en 2022, 180 fusées et près de 2500 satellites ont rejoint l’espace.
Pour plus d’infos sur le sujet, on écoute l’épisode 5 de la saison 3 du podcast Au crible de la science avec deux scientifiques qui répondent aux questions des lycéen.ne.s.
Stéphanie Lizy-Destrez est enseignante-chercheuse en conception de systèmes spatiaux et astrodynamicienne à l’Isae-Supaero et co-fondatrice du Spaceflight Institute. Elle est responsable du groupe de recherche « Concepts Spatiaux Avancés » (Space Advanced Concepts Laboratory - SaCLab). Avec plus de 27 ans d'expérience au sein d'agences spatiales, d'industries et d'universités dans le domaine spatial, elle mène des recherches et enseigne l’exploration spatiale habitée et robotique (Lune, Mars et astéroïdes) et en astrodynamique. En tant qu'ingénieure, elle a participé aux principales phases opérationnelles critiques de la mission ATV Jules Verne en 2008. Elle est rédactrice en cheffe adjointe du Journal of Spacecraft and Rockets et ancienne membre du comité d'astrodynamique de l'IAF (Fédération internationale d'astronautique). Elle est auteure et co-auteure de plus d'une centaine d'articles dans des revues et conférences.
Lucien Rapp est enseignant-chercheur en droit à l’Université Toulouse - Capitole, au sein de l’Institut du droit de l'espace, des territoires, de la culture et de la communication - IDETCOM (Université Toulouse - Capitole). Il est également directeur scientifique de la chaire SIRIUS (chaire internationale de recherche dédiée au droit et au management des activités du secteur spatial), membre de l’International institute for space law et membre du groupe de travail « Droit de l’espace » constitué au sein du conseil d’état français en charge de rédiger la loi relative aux opérations spatiales (loi n°2008-518 du 3 juin 2008).
Références conseillées par les invité.e.s :
- Gravity, Alfonso Cuarón, 2013
Space debris - a journey to Earth, Agence spatiale européenne (
European space agency - Esa), 2017
La série de podcasts Au crible de la science est une coproduction Exploreur - Université de Toulouse x Quai des Savoirs - Toulouse Métropole. Préparation : Clara Mauler et Charlène Rivière. Présentation : Claire Burgain et Laurent Chicoineau. Réalisation : Arnaud Maisonneuve. Technique : Thomas Gouazé. Remerciements aux lycéen.ne.s et équipes enseignantes des lycées Paul Mathou à Gourdan-Polignan et Las Cases à Lavaur, au ministère de la Culture, au rectorat de l’académie de Toulouse, à l’IRES, au CLEMI et à Campus FM.
Les podcasts Au crible de la science sont accompagnés d’un kit pédagogique à destination des enseignant·es et des lycéen·nes pour guider l’appropriation de la démarche scientifique et l’éducation aux médias et à l’information.
Consulter le kit pédagogique de la saison 3.