Fabienne Bessac : chimiste théoricienne engagée

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Sciences de la matière

Fabienne Bessac : chimiste théoricienne engagée

Portrait Fabienne Bessac
Fabienne Bessac est enseignante-chercheuse à l’École d’ingénieurs de Purpan (Toulouse INP-PURPAN) et au laboratoire de chimie et physique quantiques (LCPQ –CNRS, Université Toulouse III - Paul Sabatier).

La recherche fondamentale peut-elle se mettre au service de l’environnement ? Oui, pour Fabienne Bessac qui modélise le comportement des pesticides à l’échelle moléculaire.

Propos recueillis par Carina Louart, journaliste scientifique.

Pourquoi avez-vous décidé de consacrer vos recherches à la pollution organique, et notamment aux pesticides ?

Fabienne Bessac : Après l’obtention de ma thèse en physicochimie théorique, j’ai été recrutée en 2007 par le département Agronomie et agroalimentaire de l’École d’ingénieurs de Purpan pour venir en appui des recherches expérimentales menées par les ingénieurs agronomes sur l’impact des pesticides sur l’environnement. Mon rôle consiste à fournir des données théoriques sur les propriétés physicochimiques des molécules de ces produits : je les modélise pour essayer de mieux appréhender leur comportement avec la matière minérale du sol. À terme, il s’agit de confronter les résultats à ceux des agronomes qui, eux, réalisent leur recherche à l’échelle macroscopique.

Il semble difficile de prédire le comportement des 100 000 substances organiques présentant un risque pour l’environnement !

FB : C’est vrai. Leur classement par grandes familles chimiques n’est pas suffisant. Il faut étudier le comportement de ces substances en interaction avec l’air, l’eau, le sol et les organismes vivants pour bien comprendre leurs impacts sur l’environnement. C’est la structure qui détermine les propriétés physico-chimiques d’une molécule. Le projet « TyPol » devrait permettre de prédire le comportement de nouvelles molécules.

Quelle est la conséquence de cette méconnaissance ?

FB : Prenez par exemple le cas du chlordécone, utilisé massivement entre 1978 et 1993 dans les bananeraies martiniquaises : on s’aperçoit aujourd’hui qu’en plus de sa toxicité, sa rémanence dans le sol est très importante. De plus, une fois dans le sol, certaines molécules se dégradent et se transforment. Ce sont souvent ces sous- produits qui posent problème et n’ont pas toujours bien été étudiés. Idem pour l’atrazine, un herbicide très répandu dans le monde, interdit en France depuis 2003, mais que l’on retrouve encore dans le sol et les eaux pour des raisons mal connues. J’étudie l’atrazine de manière théorique, notamment la manière dont elle interagit avec l’argile des sols, ce qui conditionne son passage dans l’eau.

Vous vous inscrivez dans une recherche citoyenne, est-ce un choix délibéré ?

FB : À la fin de mes études, je n’étais pas engagée sur les questions environnementales, mais au fil de mes recherches, et en côtoyant des ingénieurs agronomes très impliqués sur le sujet, j’ai pu bâtir ma recherche pour la mettre au service de la protection de l’environnement. Je crois qu’en apportant des connaissances sur les pesticides, la recherche fondamentale peut jouer un rôle dans la compréhension de ces polluants et pourquoi pas dans l’évolution des pratiques agricoles.

 

Fabienne Bessac participe au projet « TyPol » (typologie des contaminants organiques) lancé en 2009 et porté par plusieurs laboratoires de l’Inra. Il vise à classer les polluants à partir de leurs caractéristiques moléculaires et de leurs comportements dans l’environnement. Plus de 200 contaminants ont déjà été répertoriés, dont une majorité de pesticides. À terme, cet outil permettra de prédire le comportement d’une molécule à partir de son homologue répertorié dans TyPol et d’argumenter sur le choix ou l’interdiction d’un polluant.