Conversations : l’irrésistible percée des chatbots

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Conversations : l’irrésistible percée des chatbots

Chatbot
© By Pixabay

Lorsque vous dialoguez en ligne, avec une administration ou une enseigne, avec qui discutez-vous en réalité ? Un humain ou une machine ?

Par Lars Meyer-Waarden, enseignant-chercheur à la Toulouse School of Management Research (CNRS, Université Toulouse 1 Capitole)

 

Depuis 2016, les chatbots, robots nourris à l’intelligence artificielle, sont en réalité de plus en plus nombreux à converser avec les consommateurs, sans que ceux-ci se rendent toujours compte qu’ils se trouvent face à des automates.  Selon une étude menée par Oracle en 2017, 100 000 chatbots sont apparus sur Facebook Messenger cette seule année-là et globalement les chatbots étaient déjà alors utilisés chaque mois par 3 milliards d’individus.

Développement exponentiel grâce à l’intelligence artificiel

Dans les deux ans qui viennent, toujours d’après cette étude, pas moins de 80% des entreprises dans le monde envisagent de confier leurs interactions en ligne à ces systèmes automatisés. Le marché est estimé à un milliard de dollars d’ici 2024, et l’absence de recours aux humains devrait générer alors des économies de l’ordre de 8 milliards de dollars par an.

Tous les secteurs d’activité commencent à être concernés. Pour des opérations courantes comme la réservation de billet de train ou d’avion, les chatbots assistent déjà de manière banalisée les clients, répondant à leurs questions lorsque ceux-ci ne parviennent à se débrouiller seuls. Mais les plus récents des assistants virtuels vont plus loin. Où sortir ce week-end ? « Mona » vous interroge avant de vous conseiller des spectacles et restaurants à proximité du lieu où vous vous situez. Du mal à choisir de nouveaux vêtements ? Un chatbot au service d’une grande enseigne, teste vos préférences puis vous suggère des achats. Un problème de santé ? Si vous êtes aux États-Unis, vous pouvez décrire vos symptômes à un chatbot-médecin qui vous donnera des conseils médicaux  en fonction de ces symptômes…

Les progrès de l’intelligence artificielle ces dernières années, notamment la révolution du deep learning qui rend possible l’autoformation rapide de ces assistants « intelligents », laissent envisager de nouvelles possibilités. De manière générale, les voicebots, qui communiquent par oral font une percée remarquée et pourrait prendre à terme le relais de leurs cousins chatbots qui s’expriment seulement par écrit.

Humain ou chatbot : peu importe

Reste une question majeure. Jusqu’à quel point les gens sont-ils d’accord pour dialoguer ainsi au quotidien avec des systèmes experts, par écrit ou par oral ? S’estiment-ils satisfaits de la qualité des interactions ? Risque-t-on un jour ou l’autre d’assister à des rébellions, voire à des mobilisations pro-humains ? Des rapports récents ont fait état de réticences vis-à-vis des chatbots chez les utilisateurs de Facebook. La question de l’acceptabilité de ces offres est bel et bien posée.

Afin d’y voir plus clair, nous avons, avec mes collègues Giulia Pavone et Andreas Munzel, mené une expérimentation pour comparer la perception de la qualité du service rendu par un chatbot et un humain. Précisément, les consommateurs devaient ouvrir un compte en banque avec l’aide soit d’un assistant de chair et d’os, soit d’un système expert.  Les résultats de l’étude se sont révélés troublants : les perceptions des consommateurs étaient absolument identiques.

A deux détails près. Les clients pardonnent beaucoup moins facilement des erreurs à un automate et ils apprécient de sa part un style de communication plus décontracté et jovial que celui requis d’un véritable individu !

L’efficacité et la rapidité du service avant tout

Les aspects éthiques ? Nos répondants accordent peu d’importance au fait que le chatbot, en remplaçant l’employé de banque, détruit de l’emploi. D’une manière générale, nous observons dans cette étude, mais aussi dans d’autres, réalisées dans le domaine de l’Internet des Objets, que les consommateurs ne prêtent pas attention à une éventuelle intrusion dans leur vie privée à partir du moment où les données collectées les font bénéficier de prestations personnalisées. Leur sujet de préoccupation majeur est systématiquement l’efficacité et la rapidité du service rendu.

Les jeunes gens en particulier sont pressés. Près d’un quart des Millenials, ceux nés dans les années 1980 et 1990, refusent d’attendre plus de dix minutes la réponse à une requête sur les réseaux sociaux. Or, les chatbots et les voicebots peuvent être sollicités, contrairement à leurs « homologues » humains à toute heure, week-ends et vacances compris, sans s’énerver face aux réclamations, sans jamais faire attendre, sans jamais demander d’augmentations…

Pas étonnant si on confie rapidement à ces automates les tâches les plus routinières de la relation client pour ne laisser aux employés que les seules missions qui nécessitent une intelligence émotionnelle, de l’empathie, de la créativité. Les humains restent alors irremplaçables. Pour l’instant.

 

Référence bibliographique

  • Pavone G., Meyer-Waarden L., Munzel A. (2019), The effect of communication styles on customer attitudes: a comparison of human-chatbot versus human-human interactions, European Marketing Conference, Hamburg.