Génération(s) archéo (2018 – 2024) : Archéologie 2.0
La fouille reste un élément central dans le travail des archéologues, qui continuent de creuser pour comprendre le passé. Mais le panel de techniques et d'équipements de pointe à leur disposition, notamment grâce au développement du numérique, s’élargit considérablement et les aide désormais dans leur travail.
Mini expo : Une série de galeries artistiques, esthétiques, patrimoniales et scientifiques pour découvrir le monde autrement. Les scientifiques se transforment en chargé·es d’expositions et partagent en images les coulisses de la recherche.
Génération(s) archéo retrace, en 3 mini expos, des aventures archéologiques de la fin du XIXe à nos jours… Quand les archéologues toulousain·es fouillent dans leurs albums photos pour un voyage dans le temps et l’espace.
Épisode 1 : Des passionné·es sur le terrain (1890 - 1932)
Épisode 2 : Le tournant vers la professionnalisation (1960 - 1971)
Épisode 3 : Archéologie 2.0 (2018 - 2024)
De nos jours, de nouveaux sites sont découverts chaque année et l’archéologue a toujours les mains dans la terre. La truelle reste l’outil emblématique de la fouille : on la voit ici en pleine action sur ce site de l’Allier, fouillé sous la direction de Pierre-Yves Milcent, et dont la localisation exacte est tenue secrète pour le préserver des pillages ! Mais le développement technologique et la professionnalisation de la discipline permettent de disposer d’un vaste éventail de possibilités techniques.
Le matériel utilisé sur une fouille est très varié et permet d’adapter le travail au site et au temps dont disposent les équipes. En fonction du volume de terre à enlever et de la proximité des vestiges, les archéologues peuvent ainsi passer de la pelle mécanique à l’outil de dentiste. Sur ce cliché, qui montre une vue générale du site de Las Cravieros, dans l’Aude, fouillé sous la direction de Benoît Favennec, la pelle mécanique a permis de dégager une vaste superficie de ce qui a été un important site artisanal en activité entre la fin du IVe siècle et le début du VIe siècle. Le travail de l’argile a notamment été bien renseigné, avec la mise en évidence d’une carrière, de zones de préparation de la terre et de nombreux fours de potiers et de tuiliers. Le travail du métal a également été mis en évidence. Au total, les vestiges s’étendent sur presque deux hectares.
Le chantier de fouilles programmées est également un lieu essentiel de formation. Les étudiant·es en archéologie (et autres passionné·es) sont invité·es à apprendre auprès des chercheur·es ce qu’est l’archéologie de terrain. Il s’agit d’un complément essentiel aux cours dispensés à l’université. L’archéologie est par définition une science de terrain. Si le savoir théorique est fondamental, il doit être complété par des connaissances pratiques acquises sur le terrain. La fréquentation des chantiers de fouilles permet également aux archéologues en formation de rencontrer des chercheur·es et étudiant·es d’autres universités ou instituts de recherche, et ainsi de constituer leur propre réseau professionnel.
L’enregistrement des données de terrain est primordial et constitue la mémoire du site, qui est en partie détruit au fur et à mesure de l’avancée du travail des archéologues. Ils et elles réalisent des coupes (permettant de comprendre la succession des couches de terrain, ce qu’on appelle la stratigraphie) et des relevés (figurant la distribution spatiale des vestiges en plan). Un bon croquis se double d’une description précise ! Sur ce cliché, une coupe stratigraphique d'un sondage est en cours de relevé dans l'abri de Pomongwe dans le massif des Matobo, au Zimbabwe, étudié sous la direction d’une coordination franco-zimbabwéenne. Ce site présente de très nombreuses peintures rupestres préhistoriques et l’objectif de la fouille est de tenter de réaliser une chronologie et une datation des occupations du site.
Les techniques modernes de topographie (mesure et représentation - sur un plan ou une carte - des éléments naturels et artificiels visibles sur un terrain) permettent désormais un enregistrement rapide et très précis des positions des vestiges dans l’espace, facilitant la réalisation des plans des sites. On utilise pour cela des équipements de géomètre, comme ici une station totale (instrument à l’arrière-plan) et un prisme (au premier plan). Le prisme est positionné à l’aplomb du point à cartographier, par exemple : un objet découvert en fouille. Un·e opérateur·rice vise le prisme à l’aide de la station totale et l’appareil calcule automatiquement les angles et les distances qui le séparent du point considéré. Ces données sont traduites sous forme de cartographie de nuages de points en trois dimensions, qui permettent de réaliser un véritable double numérique du site archéologique.
La photographie est très utilisée, pour rendre compte de l’ensemble des étapes de la fouille. Elle complète les relevés, dessins, croquis. Sur ce cliché, l’angle de la zone fouillée, délimitée par les fils du carroyage tendus au sol (technique de quadrillage) , est photographiée en vue zénithale, c’est-à-dire avec un point de vue à la verticale. Deux règles de géomètres (appelées des mires) sont disposées au sol pour donner l’échelle. L’escabeau est utilisé pour avoir suffisamment de recul. Avec le développement de la photo numérique, les possibilités d’enregistrement ont été démultipliées. Mais se pose la question du stockage pérenne de très grande quantité de documents numériques : Comment les stocker en sécurité ? Seront-il encore lisibles dans plusieurs années ?
Le développement des drones a permis aux archéologues de se doter de nouveaux outils… et de prendre facilement de la hauteur ! En fonction des capteurs installés sur l’appareil, il est possible de réaliser facilement des prises de vue aériennes, mais également de faire de la télédétection, c’est-à-dire de repérer les sites archéologiques depuis le ciel. De nouvelles compétences et nouveaux métiers sont donc apparus dans le champ de l’archéologie : pilotes de drones, spécialistes du traitement de l’image, géomaticien·nes (spécialiste à la croisée de la géographie et de l'informatique qui exploite des données pour modéliser des territoires).
Cette image est le résultat de l’utilisation couplée d’un drone et d’un capteur LiDAR (acronyme de LIght Detection And Ranging, soit la détection et l’estimation de la distance par la lumière). Ce genre de capteur permet de cartographier une zone en envoyant de très nombreuses impulsions lumineuses vers le sol. Parmi ces faisceaux lumineux, une partie est réfléchie par le couvert végétal et une autre est réfléchie par le sol. Le capteur enregistre ces différents retours et le temps mis par les différentes impulsions pour faire le trajet. Un traitement informatique postérieur permet de réaliser une carte en trois dimensions de la zone considérée et de virtuellement « enlever » le couvert végétal, mettant en évidence des microreliefs du sol. Les archéologues ont ainsi pu disposer d’un plan topographique précis de l’oppidum protohistorique du Castet-Crabé, dans les Hautes-Pyrénées. Cet habitat gaulois aménagé en hauteur, fortifié et protégé par des fossés est ici traduit en couleur : les points les plus bas sont violets et les plus hauts sont rouges.
L'équipe de scientifiques à la réalisation de cette mini expo est composée de Benjamin Marquebielle, assistant de communication du laboratoire Traces, co-ingénieur projet du défi-clé Sciences du Passé et chercheur associé en archéologie à l'Université Toulouse - Jean Jaurès, avec l'aide de Philippe Gardes, ingénieur de recherches en archéologie à l'INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives) et François Baleux, géomaticien et ingénieur en traitement, analyse et représentation de l'information spatiale à l'Université Toulouse - Jean Jaurès. Ils sont membres du laboratoire Traces - Travaux et Recherches Archéologiques sur les Cultures, les Espaces et les Sociétés (CNRS, Université Toulouse - Jean Jaurès, Ministère de la culture, conventionné avec l’EHESS, l’INRAP et le service d’archéologie de Toulouse-Métropole).
Avec la contribution précieuse de fonds photographiques de l'équipe CNRS Images, Cyril Fresillon et Nicolas Baker, ainsi que Carine Calastrenc, ingénieure de recherche en archéologie et nouvelles technologies non invasives à l'Université Toulouse - Jean Jaurès, Benoît Favennec, chercheur associé en archéologie à l'Université Toulouse - Jean Jaurès et responsable d'opération à l'INRAP, et Nicolas Poirier, chercheur CNRS en archéologie, au sein du du laboratoire Traces.
Mini expo est une série Exploreur - Université de Toulouse. Auteur : Benjamin Marquebielle. Visuel : Caroline Muller. Conception et suivi éditorial : Clara Mauler et Hélène Pierre. Cet épisode a été réalisé dans le cadre de la Nuit européenne des chercheur·es.