Humain - robot : quelles interactions possibles ?
Qui rêve d’une discussion passionnée avec un robot humanoïde ou d’une voiture autonome comprenant toutes nos demandes ? L’intelligence artificielle et l’intelligence humaine peuvent-elles s'entendre ? Les recherches en IA questionnent les perspectives d’interactions entre humains et robots.
Par Ewen Dantec, doctorant à l’Institut interdisciplinaire d’intelligence artificielle de Toulouse (ANITI - Artificial and Natural Intelligence Toulouse Institute) à l’INSA Toulouse, rattaché au laboratoire d’Analyse et d’Architecture des Systèmes (LAAS-CNRS)
Les recherches sur les interactions humain-robot (IHR) se préoccupent de résoudre des tâches collaboratives qui nécessitent la participation d’au moins un robot et un humain : un conducteur interagissant avec sa voiture autonome, un drone apportant des outils à un ouvrier situé sur un échafaudage, un robot médical aidant une personne âgée à sortir de son bain…
Intelligence artificielle versus intelligence émotionnelle
L’une des grandes difficultés de l’IHR réside dans la différence de fonctionnement entre l’intelligence artificielle et l’intelligence humaine. Un robot est un ordinateur qui pense avec des chiffres et des fonctions logiques. Un humain a une intelligence émotionnelle très perfectionnée, mais possède de moins bonnes capacités de calcul !
Comprendre qu’une personne est triste parce qu’elle pleure ou reconnaître un cube posé sur une table constitue un défi majeur pour un robot. A contrario, l’optimisation d’une partie d’échecs ou la résolution d’un calcul complexe est un jeu d’enfant.
Le plus difficile pour un robot est souvent ce qui est le plus facile pour un humain. Cet écart conceptuel est nommé le « paradoxe de Moravec », du nom du chercheur roboticien canadien qui a contribué à la constitution des bases de la recherche en IHR.
Des robots humanoïdes pour des interactions plus agréables ?
Nous sommes déjà au contact de nombreux robots au quotidien. Une voiture connectée est un exemple concret de robot que nous utilisons fréquemment : son ordinateur conseille le conducteur sur les trajets pour éviter les embouteillages, en fonction de l’heure de la journée et des conditions de circulation.
Une voiture intelligente pourrait également exécuter certaines commandes que lui donne son conducteur à l’oral, comme ouvrir la portière ou allumer les phares. Si cela semble simple, ça ne l’est pas forcément… Quelle portière faut-il ouvrir ? Celle côté conducteur… Mais l’ordinateur doit le déduire seul. Quel mode de phare choisir ? Cela dépend de l’éclairage urbain et de l’heure de la journée… Derrière chaque consigne que l’humain transmet au robot, il y a souvent une indétermination, que l’on néglige, mais qui constitue un obstacle essentiel pour la machine.
Le travail des chercheurs en IHR consiste à optimiser l’efficacité de nos interactions avec les robots, les rendre plus intuitives et agréables. Ils étudient notamment la manière dont l’humain modifie son comportement en fonction de l’apparence et des actions du robot.
Les robots d’aide à la personne seront ainsi dotés d’une apparence aussi humaine que possible, afin de faciliter la relation avec le patient. Certains travaux proposent de fabriquer des robots au visage mobile capable d’exprimer des émotions, en réponse à celles de l’humain qui se trouve en face d’eux. L’enjeu principal sera de déterminer l’humeur de l’utilisateur pour lui offrir des services adaptés à sa situation.
Une voiture qui repère les signes de fatigue de ses passagers ?
Dans le cas de la voiture autonome, un ordinateur intelligent serait capable de lire la fatigue sur les cernes du passager et lui proposerait une pause café à une aire d’autoroute.
L’interaction entre l’humain et le robot fonctionne en trois temps :
1. Le robot reçoit de nouvelles informations, des ordres ou observations de son environnement
2. Le robot comprend qu’une action de sa part est nécessaire et il définit la manière de réaliser cette action
3. Le robot effectue l’action de façon à ce que l’humain soit capable de la comprendre rapidement et sans effort
L’articulation de ces trois temps détermine l’efficacité de l’interaction et le succès de son résultat. L’intelligence artificielle intervient surtout au deuxième temps, lorsqu’il s’agit d’analyser l’environnement et déterminer la meilleure façon d’agir en réponse au « stimulus ».
Si le robot se trompe, il faut s’assurer que son erreur ne sera pas dangereuse ni pour lui ni pour l’humain. Par mesure de sécurité, l’humain doit toujours être capable de reprendre la main sur le robot en cas de déficience de fonctionnement.
Il reste encore beaucoup de défis à relever pour permettre à un robot totalement autonome de circuler parmi les humains et d’interagir parfaitement avec eux. Les discussions enflammées avec votre voiture autonome devront attendre un peu...
Illustration de Cyril Hermosilla