À la découverte de l’odorat, avec Julie Batut
La série « Les 2 font la paire » met en scène des couples insolites… Un ou une scientifique et un objet. Découvrez pourquoi ils se sont choisis et ce qu’ils représentent l’un pour l’autre.
Par Lucas Cousinet et Hélène Pierre, de l’équipe Exploreur.
Pour ce portrait original, l’équipe Exploreur a demandé à des chercheurs de différentes disciplines de venir avec un objet évoquant leur thématique de recherche. Une occasion de parler de leurs travaux, de leur métier, des rencontres qui les ont marqués durant leur parcours et de ce qui les anime dans leur quotidien, en laboratoire ou sur le terrain.
Julie Batut est chercheuse CNRS au Centre de biologie intégrative (CBI). Elle a choisi une construction en Lego® pour illustrer ses travaux sur la mise en place de l’organe sensoriel olfactif chez l’embryon de poisson-zèbre.
Ses recherches consistent à comprendre comment se forme l’épithélium olfactif, la muqueuse qui permet de détecter les odeurs. Pour cela, elle utilise des modèles mathématiques pour prévoir les déplacements des neurones au cœur de l’embryon. Avec ces données, elle observe le déplacement de ces cellules pendant le développement de l’embryon au microscope, en temps réel, grâce à des marqueurs de couleurs. Ses travaux font partie de la recherche fondamentale ; leur objectif est d'approfondir les connaissances.
La construction de Lego® représente directement la forme observée de l’épithélium olfactif de l’embryon de poisson-zèbre. Au début du développement, les neurones responsables de l’olfaction sont organisés en forme d’arc-en-ciel. Plus tard dans le développement, ces neurones vont migrer et former deux rosettes qui finalement capteront les odeurs.
Pourquoi étudier l’embryon du poisson-zèbre ?
C’est un organisme vertébré modèle. La formation de son organe sensoriel olfactif est très semblable entre les vertébrés (primates, rongeurs, oiseaux, etc…). S’il est possible d’utiliser d’autres organismes modèles comme la souris, le poisson-zèbre, lui, possède deux avantages majeurs : d’une part son embryon est transparent ce qui permet de l’observer aux échelles microscopique et macroscopique, au niveau des tissus; d’autre part le développement de l’épithélium olfactif est rapide, en 12 heures.
Pourquoi s’intéresser au système olfactif ?
Grâce aux connaissances fondamentales acquises, d'autres scientifiques travaillent sur des applications cliniques, en particulier sur la maladie de Kalmann-de Morsier. Cette maladie provoque la perte de l’olfaction (anosmie) et une absence de développement pubertaire. Le syndrome de Kallmann est dû à un défaut du développement du système olfactif et de la migration embryonnaire des neurones synthétisant la GnRH (gonadolibérine), responsables de l’axe de sécrétion des hormones sexuelles, se situant dans la même zone que les neurones olfactifs. Ces neurones étant liés, lorsque les neurones olfactifs ne se développent pas correctement à cause de la maladie de Kalmann-de Morsier, les neurones à GnRH ne se développent pas correctement non plus. Les personnes atteintes par la maladie sont donc anosmiques et stériles.
Ses études fondamentales permettront plus globalement de comprendre puis éventuellement de soigner d’autres maladies neuro-dégénératives dont l’un des symptômes précoces et récurrents est la perte de l’odorat. Enfin, elles pourraient permettre le développement de capteurs biologiques (biosenseurs) innovants pour mieux comprendre certains mécanismes.
Julie Batut est également engagée dans trois associations scientifiques : « Femmes & Sciences » où elle développe entre autres le mentorat pour les doctorantes, « Les Chemins Buissonniers » et « Les Maths en Scène » pour transmettre ses passions, la recherche académique via l’embryologie et la pluridisciplinarité au plus grand nombre tout en donnant de la visibilité aux femmes scientifiques.
> Écoutez l’interview de Julie Batut. Réalisation : © Lucas Cousinet (Université fédérale Toulouse Midi-Pyrénées, Campus FM Toulouse, Quai des savoirs).
CBI : Centre de biologie intégrative - Unité mixte de recherche de biologie moléculaire, cellulaire et du développement (CNRS, Université Toulouse III - Paul Sabatier)