L’altimétrie spatiale révèle la montée des océans

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Terre・Espace

L’altimétrie spatiale révèle la montée des océans

Océans

Le satellite devient un témoin précieux du changement climatique. Explications avec Benoit Meyssignac, ingénieur au CNES et chercheur au Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales (LEGOS).

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Propos recueillis par Jean-François Haït, journaliste scientifique.

Pourquoi mesurer la hauteur des océans pour étudier le climat ?

Benoit Meyssignac : Parce que le niveau des océans est un très bon indicateur du changement climatique. La hausse des températures a deux effets : elle fait d’une part se dilater l’océan, d’autre part fondre les glaciers continentaux et les calottes polaires dont l’eau rejoint finalement la mer. Résultat : le niveau monte. Grâce aux satellites d’altimétrie, on mesure aujourd’hui cette hausse avec une précision inférieure au centimètre.

Topex-Poséidon en 1992, puis Jason 1 et Jason 2, tous issus d’une collaboration entre le CNES et la Nasa, nous fournissent sans discontinuer des données homogènes depuis plus de vingt ans, ce qui est fondamental en climatologie. Nous attendons avec impatience le lancement de Jason 3 initialement prévu pour août mais reporté suite à l’échec de la fusée Falcon 9.

Qu’avez-vous découvert au LEGOS ?

BM : Le résultat important, issu notamment des travaux dirigés par Anny Cazenave sur la base de données d’altimétrie spatiale, est que le niveau des océans monte de 3,3 millimètres par an en moyenne depuis 20 ans. Aujourd’hui, nous disposons de modèles qui permettent de décrire l’expansion de l’océan. On connaît par ailleurs sa variabilité, c’est-à-dire tous les phénomènes naturels qui font que l’océan change.

Nous en déduisons que la hausse du niveau observée ne peut s’expliquer que par l’émission des gaz à effet de serre d’origine humaine dans l’atmosphère. Ceux-ci déséquilibrent le bilan énergétique de la Terre, c’est-à-dire le rapport entre la quantité d’énergie fournie par le rayonnement solaire et celle renvoyée par la Terre vers l’espace. Ce sont les océans qui absorbent majoritairement ce déséquilibre en se réchauffant.

Des millions de personnes dans le monde sont menacées par la hausse du niveau des océans. Peut-on la prévoir ?

BM : Tout dépend de l’échelle de temps considérée. À 10 ans, la variabilité naturelle des océans domine. Cette variabilité a un caractère aléatoire et chaotique, il est donc très difficile de prévoir où l’eau va monter. En revanche, à 20, 30 ou 100 ans, on voit de plus en plus les effets des émissions anthropiques  qui  forcent  les  variations du climat. À 100 ans, nous pouvons faire des projections : le niveau de la mer sera plus haut d’environ 29 centimètres si on stabilise les émissions de gaz à effet de serre à partir de 2030, mais de 90 centimètres ou plus si on ne fait rien, avec un impact très fort sur le littoral !

Comment faire pour améliorer les prévisions ?

BM : Il s’agit de voir ces phénomènes de hausse avec une plus grande finesse et au plus près des côtes. Ce sera un des rôles de SWOT, le nouveau satellite du CNES et de la Nasa qui sera lancé en 2020. Il nous permettra aussi, et c’est nouveau, de mesurer la variabilité du stock des eaux continentales, c’est-à-dire les lacs et les rivières, et l’impact que pourrait avoir le changement climatique sur celui-ci.

Carte d'augmentation de la mer
Carte d’augmentation du niveau de la mer en mm/an sur la période 1993-2014 observée par les satellites altimétriques Topex-Poséidon, Jason 1-2, Envisat, Geosat, GFO, ERS1-2, Saral, Cryosat-2. En rouge foncé : + 14 mm ; jaune clair : pas d’élévation ; bleu foncé : - 14 mm. Données CNES, CLS et LEGOS / © Benoit Meyssignac

LEGOS : Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales – OMP – Université Toulouse III – Paul Sabatier, CNES, CNRS, IRD.

Anny Cazenave est chercheuse au LEGOS, membre de l’Académie des sciences, membre du GIEC.