Les stations touristiques face à leur destin

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Cultures・Sociétés

Les stations touristiques face à leur destin

Costa Dorada _ Cambrils
Aménagée dans les années 1960, la station de Cambrils sur la Costa Dorada en Espagne a réinvesti fortement dans la restructuration et la mise en scène de ses espaces publics à des fins récréatives. © Sylvie Clarimont, 2009.

Le livre « Stations en tension », coordonné par Vincent Vlès, chercheur en urbanisme, dresse un état des lieux des stations touristiques européennes sur plus de 30 ans. Confrontées à de profondes mutations des usages et au bouleversement numérique, celles-ci doivent s’adapter ou disparaître.

Par Jean-François Haït, journaliste scientifique.

« Autrefois, les stations vantaient leurs charmes. Aujourd’hui, c’est le consommateur qui fait le buzz sur Internet et poste des avis sur TripAdvisor. Les territoires touristiques ne sont plus maîtres de leur image », résume Vincent Vlès, enseignant-chercheur de l'Université Toulouse - Jean Jaurès du Centre d'étude et de recherche Travail, Organisation, Pouvoir (CERTOP) à Toulouse. Il a coordonné « Stations en tension », un ouvrage collectif fruit des travaux de 21 chercheurs issus des 12 laboratoires du Grand Sud-Ouest qui ont participé au projet TRATSO entre 2012 et 2015.

Cette étude pluridisciplinaire (histoire, géographie, aménagement de l’espace et urbanisme, sociologie, gestion, économie) s’intéresse aux « trajectoires » des stations touristiques, autrement dit à leur courbe de développement dans le temps. Si elles naissent à l’époque du second Empire, c’est l’après-guerre qui voit le tourisme accompagné par des politiques publiques. C’est l’époque des projets de masse comme La Grande-Motte, ou un autre, heureusement jamais abouti, de 7 000 lits au pied du Néouvielle, dans les Pyrénées. Mais dans les années 1980, il y a surabondance de l’offre. C’est là que les trajectoires bifurquent.

« Avec des ressources identiques, certaines stations se développent, d’autres se diversifient, d’autres encore connaissent une contraction de leur activité. Nous cherchons à en saisir les causes »

précise Vincent Vlès.

À partir des années 2000, l’arrivée du numérique constitue un nouveau bouleversement générateur de « tensions ». TRATSO a travaillé sur trois aspects : rôle des collectivités, adaptation des stations au changement, et influence du numérique et de la politique de notoriété, dont les « grands sites » de Midi-Pyrénées sont un exemple.

« Nous avons dû recueillir des données auprès de tous les acteurs sur le terrain. C’est très long ! Notre livre est la synthèse de près de 30 ans de recherches théoriques et pratiques »

souligne Vincent Vlès.

À la clé, un certain nombre de constats : en montagne, près de 170 000 appartements sont obsolètes et inadaptés aux nouveaux usages. En effet, si beaucoup de studios ont été construits, la demande porte aujourd’hui sur des T3 et T4 à partager en famille ou entre amis. « On gère la fin du tourisme de masse en Europe, indique également Vincent Vlès. Le défi est maintenant de maîtriser les flux, notamment dans les sites où il faut articuler protection de la nature et développement touristique. »

Les chercheurs de TRATSO ont défini un certain nombre d’indicateurs pour saisir l’évolution des stations : nombre de requêtes sur Internet, endettement et fiscalité, nombre et qualité des lits, variété des produits proposés... À charge pour les décideurs de les utiliser pour leurs tableaux de bord. Pour Vincent Vlès, « la balle est maintenant dans le camp des Régions ».

 

Référence bibliographique

  • Stations en tension, sous la direction de Vincent Vlès et Christophe Bouneau, Peter Lang – Éditions scientifiques internationales, 2016.

 

CERTOP : Centre d’étude et de recherche travail organisation pouvoir (CNRS, Université Toulouse - Jean Jaurès, Université Toulouse III - Paul Sabatier.)

TRATSO : « Trajectoires des aires touristiques dans le Grand Sud-Ouest français depuis le XIXe siècle : dynamiques d’innovation, mises en tension et enjeux prospectifs » est porté par la Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine et coordonné par Vincent Vlès et Christophe Bouneau.