Management : les nouvelles tendances

Partagez l'article

Droit・Entreprises

Management : les nouvelles tendances

management : nouvelles tendances
© Image par Gerd Altmann de Pixabay

Soumises à des évolutions technologiques rapides, interpelées quant à leur impact social et environnemental, les entreprises sont sommées d’inventer de nouveaux modèles. Les chercheurs de Toulouse School of Management Research, décryptent ces mutations qui impactent fortement les relations aux clients et aux employés.

Par Agnès Baumier - Klarsfeld, journaliste

Resserrer les liens avec les consommateurs

Plus besoin de se déplacer pour acheter. Quelques clics sur un ordinateur ou un smartphone, et le monde est à nous. Les liens entre les entreprises et leurs clients ont complètement changé ces dernières années. Les agences de voyage, les boutiques de vêtements, les agences bancaires, ont-elles encore un avenir ?  Éric Vernette, professeur de marketing, a étudié à quelles conditions ces espaces de vente traditionnels gardaient une véritable utilité face aux commerces en ligne. Les évolutions se font très rapides, remettant notamment en cause le rôle des vendeurs. Son collègue Lars Meyer Waarden, également spécialisé en marketing, montre à quel point les chatbots, ces interlocuteurs robots, sont aujourd’hui bien acceptés par les consommateurs.

S’assurer une bonne réputation en ligne se révèle un enjeu majeur dans un tel contexte. Les restaurants et les hôtels ont été parmi les premiers à être notés par leurs clients, avec des commentaires accessibles à tous. Le phénomène atteint désormais quasiment tous les secteurs d’activité, des coiffeurs aux enseignants ou aux plombiers. Mais faut-il s’y fier ? Andreas Munzel, aujourd’hui enseignant-chercheur à l’Université de Montpellier, est un des premiers en France à avoir dénoncé la multiplication des faux avis sur Internet. Il s’intéresse plus largement à l’impact croissant des réseaux sociaux sur la consommation, à leur stratégie pour fidéliser les utilisateurs et capter ainsi toujours plus de publicité.

Son collègue Laurent Busca a étudié précisément le rôle des community managers, recrutés par les marques pour développer leur image sur les réseaux. Que peut-on attendre de ces professionnels au métier difficile à cerner ? Comment juger de leur efficacité ? Le chercheur dénonce l’utilisation d’indicateurs chiffrés aberrants, qui rendent très mal compte de leur apport.

Le big data révolutionne les études de marché

En tout état de cause, ces nouvelles pratiques digitales transforment complètement le rôle des responsables marketing. Plutôt que de mener de traditionnelles études de marché, pour analyser les évolutions de la demande, ils étudient désormais en continu les données qu’ils récupèrent en ligne et parfois grâce à des capteurs.

Quelle est la robe dont on parle le plus sur Internet ? Quels sont les marques de céréales qui partent le plus vite dans tel ou tel supermarché ? Samppa Suonemi, jeune chercheur finlandais accueilli à Toulouse avec un financement de l’Union européenne, a interrogé plusieurs centaines de responsables marketing américains, pionniers de l’utilisation des big data. Il met en lumière la manière dont ces précurseurs ont ainsi accru leur activité.

Créativité à tous les étages

Pour concevoir de nouveaux produits et faire évoluer ceux qui existent, les entreprises comptent aussi aujourd’hui sur la créativité... de leurs clients, et essaient de les associer à leurs projets d’innovation. Comment les amener à proposer volontairement leurs idées ? C’est un des thèmes de recherche de Stéphane Salgado, enseignant-chercheur à l’Université Toulouse 1 Capitole... Sa collègue Cyrielle Vellera, responsable du département Marketing de TSM montre que de très nombreux Français sont intéressés par ce type de démarche de co-création de nouveaux produits, mais ils mettent certaines conditions à leur engagement. 

Les entreprises qui choisissent de « parfumer » de manière ad hoc leurs bureaux en espérant booster la créativité de leurs salariés, arriveront-ils à de plus grands succès ? C’est la question - d’apparence saugrenue - examinée par Julien Grobert, enseignant-chercheur en marketing. Oui, montre-t-il grâce à plusieurs expérimentations, les idées naissent plus facilement quand on se trouve dans une salle à l’odeur adéquate...

Indispensables innovations

Les pouvoirs publics jouent un rôle important pour susciter le développement de nouvelles activités potentiellement créatrices d’emploi. Une multitude de structures d’accompagnement des start-ups sont ainsi nées ces dernières années, réparties sur tout le territoire.

L’enseignant-chercheur Cylien Gibert a étudié les « laboratoires d’innovation » créés par les très grandes entreprises pour favoriser les innovations de rupture. Ouverts en grande pompe, pour montrer leur engagement, leur désir d’aller au-delà de l’optimisation des produits existants, ces laboratoires produisent souvent des résultats décevants, constate le chercheur. Une question d’organisation, observe-t-il. Demander des retours trop rapides se révèle contreproductif. Son collègue, Jonathan Maurice, spécialistes des informations comptables, a, pour sa part, conçu avec Chaffik Bakkali et Gérald Naro de l’Université de Montpellier des outils de gestion interactifs visant à améliorer la performance des pépinières et autres incubateurs en les aidant à coopérer.

Mais encore faut-il protéger les innovations auxquelles aboutissent les bonnes idées ! La question de la propriété intellectuelle est devenue un enjeu crucial à l’échelle internationale, soulignent Héloïse Bercowitz et Jamal Azzam, qui décrivent comment certains malfaiteurs de la Silicon Valley, juristes de haut vol, s’attaquent à des start-ups mal protégées, pour ensuite s’enrichir aux dépens des inventeurs. Des opérations qui se chiffrent en milliards de dollars, largement ignorées du grand public français.

Injustice, stress et santé au travail

Dans un environnement économique mouvant, avec des demandes sociales fortes, le management des équipes est également une question essentielle, largement abordée par les chercheurs de TSM Research.

Caroline Manville, spécialiste en gestion des ressources humaines, a fait œuvre de pionnière en étudiant les liens entre la qualité du management et l’état de santé des salariés. Elle s’est intéressée en particulier aux troubles musculo-squelettiques, responsables de très nombreux arrêts maladies, montrant, avec une équipe pluridisciplinaire, comment les employés qui s’estimaient injustement traités, dormaient moins bien et développaient ensuite davantage de problèmes physiques que les autres. La question de l’injustice est également au cœur des recherches de sa collègue Marion Fortin, qui interroge : pourquoi les entretiens d’évaluation annuels provoquent-ils un tel sentiment d’injustice et de telles contestations, au point que beaucoup d’organisations songent à y renoncer ? Pourraient-ils être conçus différemment ?

Certains secteurs économiques provoquent des niveaux de stress particulièrement élevés. C’est le cas des plateformes de télé conseil qui emploient 1% des salariés français et où le turn-over atteint des sommets. Sarah Boujendar, docteure en sciences de gestion, a étudié la manière dont les téléconseillers résistaient aux agressions verbales dont ils étaient l’objet. Elle préconise des mesures pour rendre plus supportable ce métier particulièrement difficile.

Au-delà des conditions de travail, la rémunération est un des facteurs importants de la motivation. La loi Pacte, votée en 2019, vise à inciter les PME à mettre en place des mécanismes d’intéressement et de participation des salariés aux résultats. Patrice Roussel, spécialiste des questions de rémunération, a suivi de près la préparation de la loi. Pour l’enseignante-chercheuse Jennifer Boutant, imposer une plus grande transparence des comptes des entreprises est un des moyens les plus efficaces de rétablir la confiance des salariés, actuellement à un très bas niveau. Elle regrette que cette loi Pacte ne soit pas allée plus loin en ce domaine.

Multiplier les règlementations en France ou accepter des discours sur les pratiques socialement et environnementalement responsables sans s’intéresser au phénomène de sous-traitance est une impasse. Le spécialiste des ressources humaines, Jacques Igalens souligne de son côté la manière dont les groupes industriels choisissent de sous-traiter une grande partie de leur activité dans des pays étrangers où les travailleurs sont peu protégés. Au moment où était discuté le projet de loi imposant un devoir de vigilance, le chercheur a fait le point sur l’évolution des mentalités et législations sur le sujet.

« Le progrès ne passe pas seulement par la loi, mais aussi par les dénonciations de la presse et des ONG, et par l’action des consommateurs »

conclut Jacques Igalens.

 

Toulouse School of Management Research : TSM Research (Unité mixte de recherche 5303 CNRS)