Maladie de Parkinson : une prise en charge adaptée à la personnalité des patients

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Vivant・Santé

Maladie de Parkinson : une prise en charge adaptée à la personnalité des patients

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Êtes-vous plutôt de nature calme ou curieuse ? La prise en compte du tempérament des patients pour améliorer l’efficacité de certains traitements est une piste de la médecine personnalisée de demain. Pour la maladie de Parkinson à un stade avancé, la qualité de vie et l’autonomie des patients sont fortement dégradées. Les neuroscientifiques et les soignants travaillent alors en commun sur des approches intégrant la personnalité à la prise en charge médicale pour améliorer leur bien-être après stimulation cérébrale. C’est le sujet de la thèse de Mathilde Boussac. Explications. 

Par Mathilde Boussac, doctorante de l’Université Toulouse III – Paul Sabatier, à Toulouse NeuroImaging Center (ToNIC).

 

La maladie de Parkinson touche aujourd’hui plus de 200 000 personnes en France ce qui en fait la deuxième maladie neurodégénérative après la maladie d’Alzheimer. Outre le tremblement, la complexité des symptômes en fait une maladie très individuelle. Pour les neurologues, chaque patient est un cas spécifique. Ainsi, même à un stade similaire de la maladie, l’expérience des neurologues leur permet de prévoir l’acceptation ou non des patients à des traitements technologiques avancés comme la stimulation cérébrale. L’objectif des neuroscientifiques est alors de trouver des facteurs objectifs prédictifs de réponse à ces traitements pour confirmer « l’intuition » des médecins et s’orienter vers la médecine personnalisée.

 

Les enjeux de la médecine personnalisée

Depuis quelques années, la médecine standard évolue vers la médecine personnalisée. Les scientifiques cherchent les caractéristiques individuelles qui rendent un traitement plus efficace chez certains patients. Comme dans le cas des immunothérapies contre les cancers, ils étudient les spécificités biologiques des patients. Dans le cadre des maladies évolutives, l’objectif n°1 est d’assurer la satisfaction subjective à un traitement, au regard de la qualité de vie, qui peut être conditionnée par le « mental » des patients. L’un des enjeux est donc de penser la médecine personnalisée comme un lot qui comprend aussi bien la prise en charge en amont et en aval du traitement en soi.

 

Quid de la maladie de Parkinson ?

Avec le vieillissement, la maladie de Parkinson est de plus en plus handicapante pour les patients, particulièrement puisqu’il s’agit d’une maladie neurodégénérative qui affecte progressivement des neurones spécifiques du cerveau (les neurones libérant de la dopamine). Ainsi, comme une rupture au sein d’un circuit électrique, la mort des neurones entraine une défaillance du circuit cérébral contrôlant la motricité volontaire. Les patients développent alors des symptômes moteurs de plus en plus invalidants au cours de l’évolution de la maladie, avec la mort progressive de ces neurones. Malheureusement, il n’existe pas encore de traitement pour guérir de cette maladie.

Pour aider les patients à mieux vivre malgré leur maladie, ralentir son évolution et diminuer leurs symptômes, il existe alors différents traitements pharmacologiques agissant sur ce circuit cérébral dopaminergique. Comme chaque patient parkinsonien est un cas spécifique, chaque neurologue choisit un traitement spécifique individuellement en fonction des différents symptômes et facteurs de risque, composé de médicaments en prise orale et/ou de stimulation cérébrale. Et la médecine personnalisée va encore plus loin. Les neuroscientifiques travaillent à identifier des critères prédictifs individuels pour trouver la prise en charge la plus adaptée pour chacun d’entre eux.

 

Après les médicaments, la stimulation cérébrale

À un stade avancé de la maladie de Parkinson, les médecins s’aperçoivent généralement que les médicaments oraux ne suffisent plus et sont même responsables de mouvements anormaux involontaires qui détériorent fortement la qualité de vie de leurs patients et leur indépendance. Ainsi, à ce stade, ils peuvent proposer à leurs patients un traitement plus invasif par stimulation cérébrale. Il s’agit de mettre en place, de manière permanente par un acte chirurgical, des électrodes dans une structure spécifique du cerveau (les noyaux sous-thalamiques, participant au contrôle moteur volontaire). En stimulant cette zone de manière indolore, ces électrodes vont rétablir la circuiterie motrice. Suite à cela, les neurologues observent généralement une disparition des mouvements involontaires de leurs patients et une amélioration de leurs symptômes moteurs.

Néanmoins, malgré cette amélioration objective observée par les médecins, certains patients ne sont pas satisfaits après ce traitement. En effet, certains patients ont du mal à accepter ce corps étranger (les électrodes et le stimulateur). D’autres présentent des difficultés d’ajustement social liées aux changements abrupts de leur vie quotidienne qui suivent l’intervention, même si les résultats sont positifs d’un point de vue moteur. Ils peuvent aussi ressentir des sauts d’humeur, normalement transitoires mais parfois dérangeants. Ainsi, ce contraste entre les retombées positives notées par les neurologues et la déception de certains patients nécessite clairement une réflexion sur une prise en charge personnalisée des patients en particulier sur la part plus psychologique qui rentre en jeu lors de l’acceptation de la stimulation cérébrale par les patients.

Comment savoir objectivement quel patient va tirer profit de ce traitement par stimulation ? Et comment pourrait-on préparer au mieux en amont les patients à ce traitement prometteur ? Pour répondre à ces questions, les neuroscientifiques s’intéressent à différents facteurs. L’âge ou encore l’état cognitif sont déjà pris en compte pour sélectionner les patients, mais s’avèrent insuffisants. D’autres facteurs encore plus personnels pourraient alors permettre une meilleure préparation médicale des patients, comme la personnalité !

 

Et la personnalité dans tout ça ?

La personnalité des patients peut être classifiée très précisément. Un auto-questionnaire les invite à répondre vrai ou faux à différentes propositions relatives à leurs goûts, réactions émotionnelles, intérêts, comportements, buts et valeurs. Les résultats obtenus suite à ces réponses sont retranscrits sous forme de scores pour sept dimensions de personnalité. Il n’y a pas de bons ou de mauvais scores : chacun des sept scores représentant simplement une tendance de personnalité sur un spectre des possibles. Une oriente vers un tempérament impulsif et curieux des patients, une autre un tempérament anxieux et timide, la suivante le besoin social des individus, ou encore leur niveau de persistance et de persévérance. Enfin, la détermination personnelle, la coopérativité et le degré de croyance sont aussi évalués par ce questionnaire. Ainsi, des scientifiques ont déjà montré que la personnalité des patients pouvait influencer leur réponse à différentes prises en charge comme la gastroplastie par anneau gastrique dans le cas de l’obésité, ou encore les antidépresseurs dans le cas de la dépression.

La spécificité de cette recherche de thèse sur la maladie de Parkinson est alors d’utiliser la personnalité des patients comme une stratégie d’adaptation de leur prise en charge péri-opératoire, autour de la stimulation cérébrale. De manière assez intuitive, une première étude a alors permis de montrer que les patients parkinsoniens au tempérament moins anxieux et pessimiste (dimension d’évitement du danger bas) et au caractère plus mature (dimension d’auto-détermination élevée) avaient une meilleure qualité de vie. Ces mêmes patients ont ensuite reçu le traitement habituel par stimulation cérébrale et l’amélioration de leur qualité de vie après un an a été évaluée. L’analyse des résultats est en cours…

 

En pratique : la personnalité au service de la médecine

Bien sûr les découvertes qui vont découler de cette étude préliminaire ne seront pas les seuls critères à prendre en compte avant la stimulation cérébrale. Un effet observé de la personnalité sur l’amélioration de qualité de vie ne s’appliquerait qu’à une majorité de patients mais pas à tous et aurait alors uniquement pour but de guider les neurologues et les soignants dans une prise en charge plus spécialisée sans pour autant limiter l’accès à la stimulation à certains patients. Ainsi, une réflexion entre personnels soignants et scientifiques est conjointement en cours pour intégrer les profils de personnalité dans la préparation médicale avant la stimulation cérébrale, dans le but de permettre aux patients parkinsoniens de tirer le plus de bénéfices possibles de cette intervention invasive.

Dans le cadre actuel de la prise en charge préopératoire, les médecins et les soignants les plus proches des patients envisagent la mise en place d’une évaluation systématique de la personnalité pour proposer des programmes d’éducation thérapeutique spécifiques aux patients les plus à risque d’être non-satisfaits après la stimulation. Toute l’équipe soignante, formée de neurologues comme de neuropsychologues et d’infirmiers, pourrait alors travailler sur différents aspects de la personnalité pour garantir une plus grande satisfaction des patients après la stimulation.

 

Références bibliographiques

  • Boussac, Mathilde, Christophe Arbus, Julia Dupouy, Estelle Harroch, Vanessa Rousseau, Fabienne Ory-Magne, Olivier Rascol, et al. 2020. « Personality Dimensions Are Associated with Quality of Life in Fluctuating Parkinson’s Disease Patients (PSYCHO-STIM) ». Journal of Parkinson’s Disease 10 (3): 1057‑66.
  • Cloninger, C. Robert, Thomas R. Przybeck, Dragan M. Svrakic, et Richard D. Wetzel. 1994. The Temperament and Character Inventory (TCI): A Guide to Its Development and Use. St. Louis, Mo.: Center for Psychobiology of Personality, Washington University.

 

ToNIC : Toulouse Neuro Imaging Center (Inserm, Université Toulouse III – Paul Sabatier)