Imaginaire, conscience, émotion : quand l'IA fait son cinéma

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Maths・Ingénierie

Imaginaire, conscience, émotion : quand l'IA fait son cinéma

femme face à un écran et une tête de robot immense

D’I, Robot à Her, en passant par 2001, l’Odyssée de l’espace et Terminator, la représentation des intelligences artificielles au cinéma est source de fantasmes et d’émotions. Cinéma et réalité se rejoignent-ils ? C’est la question posée dans ce nouvel opus d’Au Crible de la Science, une série réalisée avec et pour les lycéens.

Les robots pourront-ils un jour ressentir des émotions humaines ? Auront-ils une conscience ? Le cinéma se nourrit-il de la réalité ? À moins que la réalité ne dépasse le cinéma ? Le dialogue entre Malik Ghallab, chercheur en robotique, et Vincent Souladié, spécialiste du 7ème art, nous entraine dans un voyage entre fiction et réalité.

 

Morceaux choisis

« Le cinéma est probablement en avance sur le réel. Ce qui est intéressant, c’est d’analyser les films contemporains qui se situent dans une zone grise, où l’on se demande si les machines présentées à l’écran éprouvent des émotions ou si elles ne font que réagir de manière algorithmique aux humains. Leurs expressions ne sont-elles que le symptôme d’une programmation informatique ou sont-elles devenues humaines ? Ce flou constitue le nœud dramatique de films comme 2001, l’Odyssée de l’espace, Her ou Ex Machina. »

« Au cinéma, les machines sont traitées comme des personnages à part entière, comme des humains améliorés plutôt que comme des machines, quand bien même ils n’ont pas de corps. Dans le film Her, la voix de Scarlett Johansson réagit comme un humain parfait, sans ambiguïté, pour répondre aux attentes de l’humain masculin qui l’a programmée. »

« La question de la conscience des machines est traitée de plusieurs manières au cinéma. Dans le premier film Star Trek, l’idée de conscience nait du savoir accumulé par la sonde Voyager ; dans Robocop, le cerveau d’un humain a été intégré à une machine ; dans un épisode de la série Black Mirror, une femme a transféré la conscience de son époux décédé sur un ordinateur. »

« Le premier modèle de machine intelligente à visage humain au cinéma apparait dans Métropolis (réalisé par Fritz Lang en 1927, ndlr). Plus que sa représentation, c’est la place que le robot occupe dans les films qui a évolué : on est passé de la machine qui fait peur, une vision technophobe, à une vision plus technophile, où la machine fait partie de la réalité. »

Vincent Souladié est enseignant-chercheur en histoire et esthétique du cinéma à l’Université Toulouse II - Jean Jaurès. Ses recherches portent sur l’identité esthétique du cinéma américain, notamment autour des questions de l’imaginaire technologique et de la plasticité des formes cinématographiques. Il s’intéresse à la représentation des machines au cinéma.                                              

« Il faut distinguer « reconnaitre », « simuler » et « éprouver » des émotions. La machine sait aujourd’hui reconnaitre certaines émotions, elle sait les simuler ; éprouver, c’est une autre affaire. Au contraire d’un humain ou d’un animal, le cœur d’une machine ne bat pas plus vite face à des émotions, elle ne transpire pas. Et elle n’en a pas besoin pour réaliser les tâches pour lesquelles elle est programmée. »

« Si les machines n’ont aujourd’hui aucune conscience, ce mot mérite d’être clarifié : une machine peut avoir un modèle limité d’elle-même, comme savoir que sa batterie est faible ou qu’elle dispose de peu de temps pour accomplir une tâche… Elle est équipée de capteurs proprioceptifs. »

« La forme humanoïde est un leurre ; on donne l’impression que la machine va bien au-delà de ce qu’elle peut faire. Il vaut mieux interagir avec une machine perçue comme telle et rien d’autre, même si on lui donne un nom et qu’on en prend soin. Le chercheur que je suis est réticent à donner des expressions humaines à des machines parce que c’est trompeur. »  

« Le cinéma constitue un apport considérable quant à la représentation des machines, mais ne remplace pas le débat citoyen sur l’acceptation de la technologie au niveau du grand public. Il me semble que le danger majeur de nos sociétés est d’être techniciste : on sacralise la technologie, on ne la discute pas, alors que ce serait nécessaire. » 

Malik Ghallab est chercheur CNRS. Ses travaux en intelligence artificielle et robotique portent sur les problèmes de représentation des connaissances, de raisonnement, de planification et d’apprentissage. Il préside aujourd’hui le comité de pilotage de l’Institut interdisciplinaire d’intelligence artificielle de Toulouse (ANITI - Artificial and Natural Intelligence Toulouse Institute).

 

Références conseillées par les invités

  • Intelligence Artificielle, collection “Le petit illustré”, N°44, CNRS-La Dépêche, 2020
  • S. Konieczny, H. Prade (eds). L’intelligence artificielle - De quoi s’agit-il vraiment ? Cépaduès, 2020
  • E. Brynjolfsson, A. McAfee. Le deuxième âge de la machine. Odile Jacob, 2015
  • P. Marquis, O. Papini, H. Prade. Panorama de l’Intelligence Artificielle – 3 volumes, Cépaduès, 2014
  • Chion, Michel, Les Films de Science Fiction, Paris, Cahiers du cinéma, coll. « Essais », 2009
  • Dufour, Eric, Le cinéma de science-fiction, Paris, Armand Colin, 2011
  • Després, Elaine et  Machinal, Hélène (dir.), PostHumains : frontières, évolutions, hybridités, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « interférences », 2014
  • Robinson, Christopher et Azulys, Sam (dir.), 2001 L'odyssée de l'espace : au carrefour des arts et des sciences, Paris, les éditions de l’école Polytechnique, 2022

 

 

Consulter le dossier pédagogique de la thématique Intelligence artificielle

 

au crible de la science
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Le podcast Au Crible de la Science est une coproduction Exploreur Université fédérale Toulouse Midi-Pyrénées - Quai des Savoirs.
Présentation : Valérie Ravinet
Préparation : Catherine Thèves
Réalisation : Arnaud Maisonneuve
Technique : Thomas Gouazé

Production radiophonique conçue en partenariat avec le Ministère de la Culture, l'Académie de Toulouse, le CNRS et Campus FM.