Le laser bouleverse les télécoms spatiales

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Terre・Espace

Le laser bouleverse les télécoms spatiales

Satellites EDRS
Les satellites du système EDRS sont placés en orbite basse et en orbite géostationnaire. Ils communiquent avec les satellites d’observation de la Terre dont ils relaient les données vers le sol. © ESA.

Le haut débit partout et pour tous ? Ce sera peut-être possible grâce aux satellites de télécommunication par laser. Angélique Rissons travaille à la délicate mise au point de cette technologie qui suscite les convoitises de Google et Facebook.

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Propos recueillis par Jean-François Haït, journaliste scientifique.

 

Angélique_Rissons
Angélique Rissons est professeure à l’Institut Supérieur de l’Aéronautique et de l’Espace (ISAE-SUPAERO), membre du Département Électronique-Optronique et Signal, ainsi que chercheuse au sein de l’équipe Microonde et Optoélectronique pour Systèmes Embarqués, spécialiste en opto-hyperfréquences.

Pourquoi utiliser le laser pour les télécommunications par satellite ?

Angélique Rissons : La demande en téléphonie mobile et en Internet haut débit explose. Or, de nombreuses régions du globe ne sont pas couvertes par les réseaux de télécommunication filaires. C’est la fameuse fracture numérique. Pour y remédier, il existe des satellites de télécommunication classique, qui font appel à des fréquences radio. Le problème, c’est que les opérateurs sont nombreux et la bande de fréquence limitée. Le débit est également insuffisant : la 4G devrait fournir 1 Gbit/s pour un lien descendant alors qu’à l’état actuel nous atteignons 300 Mbit/s (Gbit/s = gigabit par seconde. 1 gigabit = 1 milliard de bits ; Mbit/s = mégabit par seconde ; 1 mégabit = 1 million de bits). Or, les besoins en haut débit sont mille voire un million de fois plus élevés. D’où l’idée d’utiliser le laser. Il ne pose aucun problème de bande de fréquence, puisqu’il s’agit d’un rayon très fin focalisé d’un point vers un autre. Et il permet un débit beaucoup plus élevé que les radiofréquences classiques sans générer de pollution électromagnétique supplémentaire.

En quoi consistent vos recherches à l’ISAE-SUPAERO ?

AR : Au sein du département optronique, électronique et signal, et en lien avec le département Ingénierie des systèmes complexes, je travaille sur la modulation du signal laser. En effet, il faut coder dans le rayon lumineux l’information que l’on veut transmettre. Pour cela, on lui superpose un signal électrique. Toute la difficulté consiste à le faire de telle manière que le signal ainsi modulé subisse le minimum de déperdition d’information entre le satellite, qui se trouve sur orbite géostationnaire à 36 000 kilomètres d’altitude, et le récepteur au sol, qui est une sorte de petit télescope. Pour ce dernier, nous travaillons avec l’ONERA et l’Institut de recherche technologique (IRT) Saint-Exupéry.

Cette technologie a-t-elle déjà été testée ?

AR : Oui, dans les années 2000, l’Agence spatiale européenne (ESA) a testé la communication par laser entre les satellites Artemis et SPOT 4 dans le cadre du projet SILEX. Aujourd’hui, l’ESA déploie le réseau de satellites EDRS. Ils communiquent entre eux par laser et relaient l’information aux satellites géostationnaires qui la renvoient vers le sol. Mais la technologie laser de l’espace vers le sol n’est pas encore au point. Nous travaillons sur le projet de nanosatellite Nimph qui va nous permettre de tester et de qualifier les amplificateurs, des dispositifs électroniques qui donnent sa puissance au laser. Par ailleurs, dans le cadre du projet ALBS (Accès large bande par satellite) avec l’IRT Saint-Exupéry, nous concevons une plateforme qui va nous permettre de tester le laser au sol, en générant un signal optique et en simulant toutes les turbulences qu’il pourrait rencontrer en traversant l’atmosphère.

Selon vous, quand les télécoms spatiales par laser seront-elles opérationnelles ?

AR : À l’horizon 2020, je pense. En effet, cette technologie suscite un intérêt extrêmement fort de la part de grands opérateurs. Google et Facebook ont des projets de constellations de centaines de satellites. La réduction de la fracture numérique peut être un marché très lucratif. Du coup, le sujet devient ultrasensible. Rendez-vous compte, les thèses de nos doctorants sur ce thème sont confidentielles !