Ville à louer ?

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Droit・Entreprises

Ville à louer ?

Hong-Kong en 2009 © Vincent Bertholon
Hong-Kong en 2009 © Vincent Bertholon

La location touristique se développe via les plateformes communautaires. Matthieu Poumarède s’intéresse aux évolutions de la réglementation. Défavorable à l'interdiction de ses plateformes, il estime nécessaire d’étudier ses effets sur l’économie.

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Propos recueillis par Camille Pons, journaliste scientifique.

Quel problème posent les plates-formes de location touristique ?

Matthieu Poumarède : Le meublé proposé à la location touristique a toujours existé. Mais de manière restreinte, car cela passait par des petites annonces. Internet a entraîné une augmentation exponentielle de logements mis sur le marché touristique par le biais de plates-formes de type Homelidays ou Airbnb. Cette ampleur inquiète les acteurs locaux, qui craignent qu’il y ait moins de logements disponibles pour les habitants et que cela participe à l’augmentation du coût du logement. Mais il est difficile de dire combien sont ôtés du marché de la location d’habitation principale.

Sur quoi portent vos travaux ?

MP : Il s’agit de voir si la réglementation, qui cherche à limiter ce développement en encadrant les transformations de locaux d’habitation en d’autres usages, est claire pour avoir une chance d’être appliquée. Changer l’usage d’un logement est encadré par trois réglementations, avec des exigences différentes : le droit de la copropriété, le droit de l’urbanisme et celui du logement. Des dispositions de la loi ALUR du 24 mars 2014 concernent spécifiquement les meublés touristiques : destinées à s’appliquer dans les communes de plus de 200 000 habitants, sous réserve que le conseil municipal ait adopté leur mise en pratique comme c’est le cas à Paris, elles peuvent imposer aux loueurs de meublés touristiques de mettre sur le marché de l’habitation principale la même surface que celle qui en est ôtée. En 2016, la loi pour une République numérique a durci ces dispositions en donnant la possibilité au conseil municipal de soumettre toute location de courte durée à une déclaration préalable, ce qui devrait faciliter la preuve du caractère répété de la location pour de courtes durées, constitutive d’une infraction pénale.

Quelles analyses en tirez-vous ?

MP : Ces réglementations s’empilent. Je me suis donc demandé s’il n’y avait pas intérêt à rassembler le droit du logement dans le droit de l’urbanisme, utiliser le même vocabulaire, viser les mêmes buts, simplifier les procédures. Mais la conclusion de mes travaux, c’est que ce n’est pas une bonne idée ! Selon moi, il faut plutôt s’intéresser à ce que doit être le droit de l’urbanisme. Ce droit, qui n’avait pour vocation que de régir l’enveloppe d’un bâtiment, s’est intéressé progressivement aussi à ce que l’on fait à l’intérieur. Plus il impose au propriétaire, déjà soumis au droit du logement, des sujétions nombreuses, moins le droit de propriété n’a de sens puisqu’il suppose un libre usage de son bien. Si l’on regroupe ces réglementations, cela risque d’amplifier le durcissement des dispositions qui sont d’ores et déjà très restrictives.

Voyez-vous des solutions juridiques satisfaisantes concernant les locations touristiques de particuliers ?

MP : Je souhaite comparer plusieurs politiques : New York interdit de louer moins de 30 jours, Barcelone est aussi sur l’interdiction et, en France, l’exigence de la compensation revient aussi à interdire puisqu’il est impossible pour quasiment tout propriétaire de faire cette compensation. Londres a fixé un plafond : on peut louer 90 jours par an. C'est sans doute la solution la plus ouverte et donc la plus intéressante. Car on devrait se pencher sur l’impact économique que peuvent avoir ces plates-formes. Certes, cela ôte des logements, mais d’un autre côté cela amène des touristes.

Portrait Mathieu Poumarède
Matthieu Poumarède est enseignant-chercheur à Institut des études juridiques de l'urbanisme, de la construction et de l'environnement (IEJUC) – Université Toulouse Capitole