Emmanuelle Rial-Sebbag. Exploratrice en bioéthique

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Vivant・Santé

Emmanuelle Rial-Sebbag. Exploratrice en bioéthique

Portrait d'Emmanuelle Rial-Sebbag
© Inserm / François Guénet

Concilier les droits des personnes et les progrès toujours plus rapides de la recherche biomédicale : tel est le cheval de bataille d’Emmanuelle Rial-Sebbag, spécialiste du droit de la santé et de la bioéthique, qui accompagne les travaux des chercheurs de l’Inserm.

Propos recueillis par Carina Louart, journaliste scientifique.

Vous êtes la seule chercheuse en droit de la santé et en bioéthique de l’Inserm au plan national. Pourquoi avoir choisi ce domaine ?

Emmanuelle Rial-Sebbag : Parce que l’utilisation des éléments du corps humain dans le cadre de la recherche et du soin relève des droits fondamentaux et des droits des personnes, ce qui soulève des questions éthiques spécifiques. Ces problématiques sont en lien avec ma formation en droit public international. En 2009, j’ai rencontré Anne Cambon-Thomsen, directrice de la plate-forme « Génétique et société » à Toulouse. Elle m’a conduite à m’intéresser au droit qui entoure l’usage des échantillons humains – sang, cellules, tissus, organes –, à l’ADN et aux biobanques. J’ai réalisé ma thèse sur ce thème. Aujourd’hui, je suis au cœur des laboratoires, ce qui me permet d’identifier plus facilement les questions juridiques et éthiques soulevées par les innovations biotechnologiques.

Quelle est votre fonction auprès des chercheurs ?

ERS : Je les accompagne durant la construction de leurs projets, afin que ces derniers s’inscrivent dans un cadre juridique existant. Par exemple, l’utilisation d’échantillons biologiques prélevés sur des enfants est soumise à des conditions très strictes. Il s’agit bien sûr d’éviter que les chercheurs ne s’exposent à d’éventuelles sanctions ou à une invalidation de leurs travaux, mais aussi plus largement de les inciter à engager une réflexion éthique sur leur recherche. Nous développons également une recherche autonome sur les enjeux juridiques et éthiques des nouvelles technologies en santé et leur impact pour la santé publique.

Vous participez à plusieurs projets relatifs aux biobanques. Quels en sont les enjeux ?

ERS : L’utilisation des échantillons biologiques constitue l’un des moteurs de l’innovation biomédicale, notamment en médecine régénérative, qui fait appel aux cellules souches. Ainsi, depuis 2013, je coordonne le projet de recherche européen EUCELLEX qui vise à évaluer la réglementation de leur usage. Les recommandations issues de ce projet seront présentées en septembre 2016 à Paris. Aujourd’hui, ces échantillons sont regroupés dans des biobanques qu’il convient d’encadrer sur les plans éthique et juridique. Comment, par exemple, réutiliser un échantillon pour une recherche autre que celle pour laquelle le consentement du donneur a été obtenu ? Ou pour concevoir un produit commercial ? Quid de la circulation internationale des informations associées, comme l’âge, le sexe, le parcours médical du donneur ? Toutes ces questions sont encore en suspens !

Au regard de l’accélération de l’innovation biotechnologique, l’éthique et le droit semblent accuser un certain retard…

ERS : Oui, car les biotechnologies sont de plus en plus complexes à appréhender. Le projet ANR Biobanques (2012-2020) auquel je participe vise à harmoniser l’ensemble des centres de ressources biologiques français à travers un portail d’accès unique, qui traitera de toutes ces questions.

 

Emmanuelle Rial-Sebbag est responsable de la première chaire UNESCO Éthique, Science et Société, qui associe l’innovation scientifique et technologique aux questionnements de notre société. Cette chaire de recherche, portée par l’Université Fédérale Toulouse Midi-Pyrénées, se consacre à la jeunesse, mais aussi à la place des femmes dans notre société. Elle a également signé avec Gauthier Chassang et Anne Cambon-Thomsen l’ouvrage Éthique et réglementation des biobanques de recherche, un guide pratique qui fait le point sur les procédures à respecter pour constituer ou utiliser les ressources biologiques dans un cadre éthique. Il est distribué via le site Biobanques, rubrique « Publications ».