À chacun son école, à chacun sa santé : l’empreinte biologique de la scolarité

Partagez l'article

Vivant・Santé

À chacun son école, à chacun sa santé : l’empreinte biologique de la scolarité

ecole sante exploreur

Monsieur l’instituteur, Madame l’institutrice, est-ce que ces parents semblent préoccupés, intéressés ou sans intérêt par les progrès scolaires de leur enfant ?

Voici une des questions d’un important corpus de données qui intéresse des épidémiologistes toulousains. Leur souhait : comprendre le lien entre l’école et la santé. Les premières analyses soulèvent qu’une rencontre contrariée entre la culture familiale scolaire et la culture éducative de l’institution serait susceptible de détériorer la santé de l’élève en difficulté une fois adulte. Une observation importante à prendre en compte dans l’évolution des politiques scolaires. Explications en BD.

Écrit et dessiné par Camille Joannès, doctorante de l’Université Toulouse III - Paul Sabatier, au sein de l’équipe Equity du Centre d'épidémiologie et de recherche en santé des populations (CERPOP). Thèse réalisée sous la direction de Michelle Kelly-Irving et Raphaële Castagné, chercheurs Inserm.

Parce qu’un dessin vaut parfois mieux qu’un long discours, découvrez dans la série Science Story des doctorants qui ont choisi de raconter leur thèse… en bande-dessinées.

ecole sante exploreurecole sante exploreurecole sante exploreurecole sante exploreurecole sante exploreurecole sante exploreurecole sante exploreursante exploreur ecoleecole sante exploreursante exploreur ecolesante exploreur ecolesante ecole exploreursante ecole exploreursante ecole exploreurecole sante exploreurecole sante exploreurecole sante exploreurecole sante exploreurecole sante exploreurecole sante exploreurecole sante exploreurecole sante exploreur

Dans un contexte scolaire touché par des actes terroristes aujourd’hui en France, il est à rappeler que chaque pays, à chaque moment de son histoire, pose ses ambitions sur l’école pour intégrer un maximum de personnes dans la société. Pourtant, nous ne sommes pas égaux dans nos parcours académiques, et en fin de course, il n’est pas rare d’assister à une reproduction sociale selon son milieu d’origine. 

Depuis les années 80, la recherche épidémiologique a montré qu’en moyenne les personnes ayant un niveau d’études élevé sont moins touchées par des maladies et par conséquent vivent plus longtemps, que celles qui ont interrompu leurs études pendant le secondaire. Ce lien s'explique souvent par le fait que les personnes plus diplômées sont moins susceptibles de connaître les conditions matérielles difficiles ou la détresse causée par les difficultés économiques. Elles sont donc moins souvent exposées à des environnements néfastes pour leur santé que les personnes peu diplômées. Elles adoptent aussi des attitudes plus préventives, se font plus fréquemment dépister et ont également tendance à avoir un mode de vie plus sain. Mais pas que… D’autres mécanismes restent à être identifiés.

Dans le cadre de ma thèse, je m’intéresse à la manière dont se construit un état de « bonne santé » tout au long d’une vie. J’ai voulu étudier, en particulier, ce lien entre l’éducation et la santé, en posant le regard dès le primaire pour voir si une partie de la résolution de l’énigme ne se trouvait pas dès cette période de vie. Mon postulat : l’école correspond à un certain groupe social avec son propre langage, ses codes et ses attentes. Elle peut donc se représenter comme un moule, dans lequel il faut arriver à entrer pour pourvoir en sortir. J’ai alors décidé d’utiliser les perceptions d’instituteurs ou d'institutrices comme un indicateur d’adéquation/inadéquation à ce moule scolaire pour faire l’hypothèse qu’elles peuvent amorcer le lien avec la santé future.

Au sein du laboratoire où je réalise ma thèse, nous avons la chance de disposer de données anonymes de Grande-Bretagne de plusieurs milliers individus, nés en en 1958 et suivis jusqu’à aujourd’hui. Grâce à des méthodes statistiques, nous avons fait parler avec précaution ces données. Cette enquête britannique a permis d’explorer les mécanismes en jeux entre les perceptions d’instituteurs et une usure physiologique à l’âge adulte, avec des résultats différents entre les hommes et les femmes. Notre étude a soulevé que les enfants ayant fait l'expérience d’une dissonance entre leur environnement familial et l’environnement scolaire, en tant que difficulté chroniquement stressante, ont pu solliciter leurs ressources biologiques pour subir une dérégulation physiologique, amorçant le lien entre l’éducation et la santé future. Des études complémentaires dans d’autres pays, d’autres périodes historiques ou utilisant des méthodes qualitatives sont à présent nécessaires pour explorer plus en profondeur ces résultats.

 

Référence bibliographique

Joannès C, Castagné R, Lepage B, Delpierre C, Kelly-Irving M (2021) Could teacher-perceived parental interest be an important factor in understanding how education relates to later physiological health? A life course approach. PLoS ONE 16(6): e0252518.

 

CERPOP : Centre d'épidémiologie et de recherche en santé des populations / UMR 1295 Inserm, Université Toulouse III - Paul Sabatier.