Cuillère, fourchette et pierre taillée

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Cultures・Sociétés

Cuillère, fourchette et pierre taillée

Nicolas Teyssandier portrait Exploreur

D’un côté, un morceau d’acier inoxydable avec 4 dents à son extrémité, de l’autre, 2 morceaux de bois taillés en tige d’une vingtaine de centimètres. Si je vous dis que ces objets d’allure si différente ont le même usage, le croirez-vous ? A présent, si je vous dis "fourchette" et "baguettes" ? Voilà, tout s’éclaire ! Ces deux objets ont inspiré Nicolas Teyssandier pour nous parler de son travail en archéologie.

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La Nuit européenne des Chercheur·e·s : No(s) futur(s)

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La série Les deux font la paire met en scène des couples insolites… Un.e scientifique et un objet du quotidien. Découvrez pourquoi ils se sont choisis...

fourchette baguette
© Sébastien Chastanet, Université de Toulouse, OMP

Zoom sur l’objet

Des baguettes et une fourchette, ce sont les deux objets choisis par Nicolas Teyssandier pour parler de son travail : l’archéologie. Leur allure est différente mais ils répondent tous deux à un même usage : attraper et porter les aliments dans la bouche. Cet exemple témoigne de la grande variété d’objets techniques qui permet de répondre à une même problématique. Car la fabrication d’un outil se matérialise sous l’influence de la culture et selon différentes capacités techniques. Cela parait assez évident pour ces outils que sont la fourchette et les baguettes parce que nous en avons encore aujourd’hui l’usage. Mais la difficulté survient quand il s’agit d’objets anciens dont nous avons perdu les témoignages de leur utilisation tels que les outils en pierre taillée datant du néolithique.

 

Portrait Nicolas Teyssandier
© Sébastien Chastanet, Université de Toulouse, OMP.

Zoom sur la science

Préhistorien, Nicolas Teyssandier s’intéresse aux objets techniques du passé et en particulier aux outils en pierre taillée considérés comme les premiers objets façonnés par l’homme - avec le percuteur qui permit de le créer. Bien sûr, les Paléolithiques n’ont pas décrit les étapes de fabrication de leurs outils... Alors, c’est ici que les chercheurs, archéologues et historiens, interviennent en tentant de comprendre comment les premiers hominidés sont parvenus à façonner ces outils et quelle était leur fonction. Quels savoir-faire révèlent-ils ? Comment étaient-ils transmis, par mimétisme ou bien par apprentissage oral ? L’outil en pierre taillée permet de reconstituer à la fois les habiletés motrices des humains mais aussi leur pensée technique et leur évolution cognitive.

Les terrains d’enquête privilégiés de Nicolas Teyssandier se situent en Europe, dans le contexte de la transition entre Paléolithique moyen et récent (– 300 000 ans à – 45 000 ans) et des questions entourant l’extinction des derniers Néandertaliens et leur remplacement par des Hommes d’anatomie moderne. Parallèlement, il a travaillé en Afrique australe et en Asie du Nord-Est (Mongolie) dans le cadre d’une réflexion d’ensemble sur les mécanismes de changements au sein des premières sociétés d’Homo sapiens sapiens. Récemment, il relance des travaux sur le Later Stone Age d'Afrique australe (- 44 000 à -25 000 ans), en particulier en Afrique du Sud et au Zimbabwe.

Quel lien entre la préhistoire, des baguettes asiatiques et une fourchette ?

Baguettes ou fourchette, ces objets sont des outils qui ont été spécialement confectionnés par l’homme pour répondre à un besoin bien précis. S’ils servent tous les deux à s’alimenter, leur forme diffère et renseigne sur des techniques et des cultures différentes selon la zone géographique concernée.

Les objets techniques sont soumis à une évolution dont les différentes formes témoignent d’un savoir-faire ou d’un environnement culturel spécifique. En retraçant l’histoire évolutive de certains outils, les préhistoriens en apprennent davantage sur ceux qui les ont conçus.

Au travers de ces baguettes et cette fourchette, et grâce à ces lunettes d’archéologue, Nicolas Teyssandier voit de véritables témoignages de l’émergence de l’Homme moderne et des mutations techniques et socio-économiques qu’il va accomplir lors de son expansion géographique planétaire.

 

Nicolas Teyssandier est chercheur préhistorien CNRS au laboratoire Travaux et Recherches Archéologiques sur les Cultures, les Espaces et les Sociétés (TRACES).

Les deux font la paire est une coproduction Exploreur (Hélène Pierre, Justine Mingot, Sofian Charaabi) - Campus FM (François Berchenko et Antoine Riou). Photos : Sébastien Chastanet, Observatoire Midi-Pyrénées. Réalisé dans le cadre de La Nuit européenne des chercheur·e·s.