Le théâtre donne un nouveau souffle au congrès
La recherche en arts ne s’intéresse pas qu’au salle de spectacle. A l’Université Toulouse – Jean Jaurès, Monique Martinez et son équipe pensent et renouvellent, avec des professionnels du secteur privé, l’organisation de congrès scientifiques. C’est donc en toute logique qu’ils créent un congrès sur le congrès mais non sans dramaturgie, voire « congréturgie » !
Propos recueillis par Catherine Gadon, de l'équipe Exploreur.
Monique Martinez, vous êtes enseignante-chercheuse à l’Université Toulouse – Jean Jaurès, spécialiste des arts et vous êtes à l’origine d’un congrès pas tout à fait comme les autres que vous avez nommé QCVN pour Quel Congrès Voulons-Nous ? C’est une boutade ?
Monique Martinez : Non, pas du tout. Avec le leader national de l’organisation de congrès dans le secteur médical, nous avons créé un laboratoire commun Rimec, pour Ré-inventer le média congrès, nous y travaillons depuis 8 ans. L’Agence national de la recherche (ANR) et la Région Occitanie nous soutiennent afin de permettre à Toulouse d’être un pôle bien identifié de recherche sur le congrès.
Pouvez-vous nous en dire plus sur les objectifs et surtout les motivations à faire du congrès un objet de recherche ?
La problématique pour l’entreprise lorsqu’elle s’est lancée dans l’aventure était celle de booster la valeur éducative des congrès. L’espoir fondé dans un congrès médical, par exemple, est de transmettre des connaissances pour changer les pratiques et améliorer la santé des patients en bout de chaîne. Seulement, comment savoir si un congrès impacte réellement les participants ? L’entreprise Europa Group a une certitude aujourd’hui, c’est que diffuser les connaissances dans un processus Top-down, même si la qualité scientifique est là, cela ne suffit plus. La participation active des participants permet à ces derniers d’être acteurs de leur propre apprentissage. Du côté des universitaires spécialistes des arts, il s’agit de parier sur l’innovation par les arts pour repenser les dramaturgies du réel comme le sont les congrès. La plateforme Création et innovation sociétale (CRISO) initiée par le laboratoire Lettres, langages et arts (LLA – CREATIS) auquel j’appartiens, déploie des axes de travail sur les arts, avec des thématiques qui en sont parfois éloignées comme la santé, la formation, l’espace, l’habitat.
Alors, où en êtes-vous dans le cadre de votre recherche sur le congrès ?
Notre nouveau concept de « congréturgie » permet de définir le congrès comme une écriture dramaturgique. Nous prenons en compte les macro-espaces, c’est-à-dire celui où se déroule le congrès, où s’articulent les micro-espaces avec les sessions et ce que nous appelons les meso-espaces avec les couloirs, les salles de convivialité, etc. Ces derniers espaces sont souvent ceux du off où se déroulent les échanges et les interactions entre les participants. Ensuite, le rythme, le tempo, la durée du congrès sont travaillés également avec les différents apports des théâtralités, tout comme le rôle des acteurs que sont les conférenciers ou les facilitateurs. Ce concept vient ainsi nourrir les réflexions sur le théâtre appliqué, champ qui étudie les pratiques théâtrales qui viennent investir des champs non conventionnels.
Pouvez-vous nous en dire plus alors, sur ce fameux congrès qui va avoir lieu fin janvier ?
« Quel congrès voulons-nous ? » s’adresse à toutes les communautés intéressées par une innovation incrémentale ou de rupture sur le sujet. L’objectif est d’ouvrir une brèche dans les pratiques encore très traditionnelles. Chercheurs, entreprises, artistes, étudiants, professionnels et curieux sont invités à participer. Le colloque se propose d’être une rencontre en rupture avec les formats classiques de communication scientifique. Il comptera notamment une scénographie inédite, une dramaturgie, une ouverture à l’international, des ateliers d’innovation et une grande présence de la création artistique.
Nous avons vu apparaître le personnage d’Armand Mc Clown sur tweeter, qui est-il et quelle est sa place dans l’aventure ?
Ce personnage sert à mettre en place dès le départ une congréturgie. Bien en amont du congrès de fin janvier, il permet à la fois de communiquer de façon originale mais aussi d’agréger une communauté autour de lui.
Nous avons, avec le concours de Paul Cauuet dessinateur des Vieux fourneaux, donné un visage à un étudiant embarqué lui-même dans l’expérience du congrès. Au fil du temps et des tweets, il découvre les pratiques du monde académique et des colloques scientifiques. Interpellé par le projet QCVN?, il se lance le défi d’y participer pour révolutionner les formats classiques. Nous voulions créer un roman par tweets avec @ArmandMcclown.
Si je comprends bien nous allons donc retrouver Armand pendant le congrès fin janvier ?
Bien sûr et plus encore ! Nous avons aussi commandé au metteur en scène et dramaturge mexicain Omar Olivera Calderón, une comédie musicale sur le congrès, forme improbable pour une problématique qui n’a pas encore de visibilité critique mais qui est au cœur des pratiques professionnelles dans beaucoup de domaines. Après quatre mois de résidence sur le campus Jean-Jaurès à l’automne, accompagné d’artistes professionnels et d’étudiants, la comédie musicale sera présentée au CIAM-La Fabrique le 30 janvier à 12h45 et à 18h, ainsi que le vendredi 31 janvier à 12h45 et à la Salle Sénéchal, le 1er février à 20h30, au cœur de la cité.
Les inscriptions pour QCVN ? sont ouvertes sur : https://qcvn.fr/
Références bibliographiques
Monique MARTINEZ (dir.): Le théâtre appliqué : enjeux épistémologiques et études de cas, Lansman, Coll. Hispania, 2017.
Marco, J., Spencer, A. & Breheret, M. Critical reflection on postgraduate learning: education through sharing. EuroIntervention J. Eur. Collab. Work. Group Interv. Cardiol. Eur. Soc. Cardiol. 13, 625–630 (2017).