Modèles climatiques de plus en plus précis et fiables
Les modèles posent le diagnostic du changement climatique. Peut-on leur faire confiance ? Réponses avec Olivier Thual du Centre européen de recherche et de formation avancée en calcul scientifique (Cerfacs), enseignant-chercheur à Toulouse INP-ENSEEIHT.
Propos recueillis par Anne Debroise, journaliste scientifique.
Qu’est-ce qu’un modèle ?
Olivier Thual : C’est un ensemble d’équations mathématiques qui vont être résolues par un ordinateur. Les modèles climatiques simulent l’évolution de toutes les composantes du système climatique : atmosphère, océans, glaces et surfaces continentales. Ils intègrent des paramètres nombreux, comme la topographie de la Terre, les équations physiques issues de la mécanique des fluides, l’apport d’énergie par le soleil mais aussi les gaz à effet de serre, le cycle de l’eau, etc. L’évolution des gaz à effet de serre dans le futur est déduite des scénarios probables de croissance économique que nous fournissent les économistes.
Quelle confiance leur accorder ?
OT : Pour évaluer les modèles, nous procédons à plusieurs types d’exercices. On peut leur fournir des données récentes décrivant les fluctuations du rayonnement solaire ou des gaz à effet de serre et voir s’ils reproduisent bien les tendances actuelles du climat. On peut aussi tester leur capacité à prédire l’apparition d’événements climatiques comme El Niño (perturbation du climat liée à des modifications des courants marins dans le Pacifique), ou l’évolution des oscillations climatiques à l’échelle de la décennie. On peut encore simuler le refroidissement induit par les éruptions volcaniques, quand elles injectent des cendres dans l’atmosphère. Il y a 25 ans, les modèles étaient incapables de faire tout cela. Aujourd’hui, nous sommes confiants dans la capacité de ces modèles à anticiper l’évolution du climat sur le siècle qui vient, car ils reproduisent les processus physiques observés aujourd’hui avec de bonnes performances.
Combien de modèles sont utilisés dans le monde ?
OT : Il en existe de nombreux, mais seulement une vingtaine de groupes travaillent sur des modèles dont les simulations sont prises en compte dans les rapports du GIEC. Parmi eux, deux sont français : le modèle de l’Institut Pierre-Simon Laplace, à Paris (IPSL), et celui du Centre national de la recherche en météorologie (CNRM) à Toulouse. Le CNRM-GAME et le Cerfacs travaillent sur la sixième version du modèle toulousain (CNRM-CM6), qui sera utilisée à partir de 2016 pour alimenter le prochain rapport du GIEC.
Quelles sont les améliorations attendues ?
OT : La performance des modèles, c’est-à-dire leur capacité à rendre compte du changement climatique observé avec une bonne résolution temporelle et spatiale, augmente avec la capacité des ordinateurs. Notre rôle, au Cerfacs, consiste à explorer les capacités des nouvelles machines, à faire tourner les modèles à des résolutions spatiales et temporelles plus fines pour optimiser leur fonctionnement. Faire tourner un code sur des milliers de processeurs, gérer les échanges de données entre les diverses composantes du modèle (atmosphère, océan, etc.), ce n’est pas évident. Le prochain modèle (CNRM-CM6) va simuler l’atmosphère avec des résolutions allant de 150 à 50 kilomètres (contre 200 aujourd’hui). Ces résolutions permettent de prendre en compte des phénomènes à plus petite échelle comme les cyclones tropicaux.
Cerfacs : Centre européen de recherche et de formation avancée en calcul scientifique – CNRS, Total SA, Safran, EDF, AIRBUS Group, CNES, Météo-France, ONERA.
GIEC : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.
CNRM-GAME : Centre national de recherches météorologiques - Groupe d’étude de l’atmosphère météorologique – Météo-France, CNRS.