Endométriose : améliorer le diagnostic

Par Hélène Pierre, de l'équipe Exploreur. Bande dessinée réalisée par Cyril Hermosilla, étudiant à l'École nationale supérieure d'architecture de Toulouse (ENSA-Toulouse).

​Le concours « Ma thèse en 180 secondes » lance un défi de taille aux doctorants : expliquer leur travail de recherches, le plus simplement possible, en trois minutes chrono !

Les candidates et candidats se produisent chaque année sur scène devant le public du Théâtre Sorano, l’une des grandes scènes de Toulouse. Exceptionnellement, compte tenu des mesures sanitaires liées à l’épidémie de la COVID-19, la finale académique 2020 n’a pas pu se tenir en public. Ayant à cœur de maintenir malgré tout l’événement, l’Université fédérale Toulouse Midi-Pyrénées s’est associée pour la première fois à France 3 Occitanie afin de partager en image les prestations des doctorants et en invitant les téléspectateurs à élire celui ou celle qui les a le plus convaincu.

Le concours a récompensé Oumaima El Mansouri qui a recueilli plus de 33% de suffrages (parmi les 15 doctorant.es finalistes). Doctorante en traitement des images médicales à Toulouse INP au sein de l'institut de recherche en informatique de Toulouse-IRIT, Oumaima El Mansouri s’intéresse à la manière d’améliorer l’imagerie médicale afin de faciliter le diagnostic de l’endométriose.

L’endométriose concerne une femme sur dix. Longtemps ignorée, souvent invalidante, cette maladie gynécologique est liée à la migration anormale des cellules de l'endomètre en dehors de la cavité utérine. L'endométriose se manifeste par de violentes douleurs pelviennes, des règles abondantes et peut même entraîner une infertilité. Malgré ces répercussions, cette maladie est souvent sous-estimée. La plupart des patientes attendront entre 6 et 10 ans avant le bon diagnostic. 

Dès la suspicion d’endométriose, il est généralement proposé à la patiente une échographie endovaginale comme examen de première intention. Une imagerie par résonance magnétique (IRM) peut être également réalisée. Offrant des images plus complexes, cette dernière est généralement considérée comme une technique venant confirmer ou infirmer ce que l’échographie ne fait que supposer. C’est seulement en l’absence de lésion caractéristique qu’une cœlioscopie diagnostique, plus invasive, est envisagée.

Parce que très différentes, les images de l’échographie et de l’IRM ont l’avantage d’être des outils de diagnostic complémentaires mais cela les rend finalement difficiles à étudier simultanément. Dans le cadre de sa thèse, Oumaima El Mansouri étudie l’intérêt et les techniques de fusion de ces deux images. Grâce à des programmes informatiques, elle travaille à les modéliser afin d’en obtenir qu’une seule, en « réalité augmentée ». Cette image combinée permettra, au-delà de la phase du diagnostic, de guider de façon très précise le praticien dans l’acte de chirurgie.

Portrait sensible et volontaire d’Oumaima El Mansouri

Par Fiona Jean et Joséphine Paquet. Portrait rédigé dans le cadre de l’atelier d’écriture du Master Culture et communication, parcours Médiations scientifiques, techniques et patrimoniales de l’Université Toulouse – Jean Jaurès, avec l’accompagnement pédagogique de Delphine Dupré, docteure en sciences de l’information et de la communication.

Installée dans son salon lumineux, la jeune chercheuse a bien voulu nous accorder un peu de son temps, lors d’un entretien en visio-conférence. Elle nous raconte que, pendant les vingt premières années de sa vie, elle a vécu au Maroc. Là-bas, elle a fait des classes préparatoires au Lycée Moulay Idriss, à Fès, afin de passer les concours des écoles d’ingénieurs. En 2014, elle arrive en France et intègre l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE-ENSICA), une école généraliste de Toulouse. Une fois cette formation terminée, elle obtient un diplôme d’ingénieure en aéronautique et aérospatial. A travers des cours comme l’analyse d’image radar ou bien le traitement de signal, elle se découvre une passion pour le codage d’images numériques.

Des images radars aux images médicales pour l’étude de l’endométriose

« L’image est la meilleure façon de faire passer une information. C’est une chose qui est, pour nous les humains, plus facile à comprendre qu’un texte par exemple. »

précise la jeune chercheuse.

Toutefois, elle se rend compte que le traitement d’images à applications militaires n’est pas vraiment ce qui lui plaît le plus. Lorsqu’elle décide de poursuivre ses études en entamant un doctorat, à l’Institut National Polytechnique de Toulouse (INP), son encadrant lui propose de réaliser une thèse sur l’imagerie médicale. « Une thèse n’est pas un travail individuel, c’est le fruit d’un travail collectif entre le thésard et les encadrants. Et je suis très reconnaissante envers mes encadrants qui ont su très bien m’accompagner tout au long de ces trois ans, je les remercie sincèrement. »

Pour la jeune docteure, cette recherche est particulière, dans le sens où elle est très proche de la réalité :

« La plupart du temps, une thèse ne débouche pas sur une application réelle. Au contraire, j’ai effectué ma thèse en collaborant avec un médecin dans le but de réaliser quelque chose de concret. Cela lui donne une certaine valeur. »

Soigner par l’image : à l’image de toutes

Quand nous demandons à Oumaima El Mansouri comment elle a réalisé sa thèse, elle nous apprend qu’elle a d’abord commencé par une revue des travaux scientifiques liés à sa thématique de recherche. Elle s’est rapidement aperçue qu’il existait très peu de travaux sur la fusion entre l’échographie et l’IRM. Indignée par le peu d’attention accordée à l’endométriose, la docteure nous livre son incompréhension face au manque de procédés disponibles pour diagnostiquer cette maladie. « Les malades en souffrent physiquement et aussi beaucoup moralement car tout le monde ignore ce que c’est et sous-estime les douleurs que cela peut provoquer. ».

Elle nous raconte que la cause des femmes est centrale quand on travaille sur une maladie gynécologique si répandue et méconnue : « S’il s’agissait d’un problème d’homme, je suis sûre qu’on connaîtrait cette maladie et qu’on saurait déjà la soigner correctement. ».

Si le milieu scientifique au sein duquel elle évolue est considéré comme masculin, la jeune chercheuse s’est toujours sentie bien intégrée.

« Je n’ai pas eu besoin de déployer le girl power lorsque j’étudiais à l’Institut de recherche en informatique (IRIT). Dans ce laboratoire, il y avait presque autant de femmes que d’hommes. »

Oumaima El Mansouri est lucide sur le manque de parité et d’égalité des chances dans le domaine des sciences dites « dures », mais nous apprend qu’elle n’a subi aucune discrimination de genre : « Avec un C.V. comme le mien, je pense que les recruteurs sont intéressés principalement par mes compétences et ne se préoccupent pas de mon genre. ».

Une jeune chercheuse inspirée et inspirante

Son entourage lui dit souvent, sur un ton admiratif, qu’elle est très intelligente. Oumaima El Mansouri s’en défend modestement : « J’ai travaillé dur pour y arriver, ce n’était pas toujours facile. Pour moi c’est la persévérance et la confiance en soi qui nous permettent de réaliser nos rêves les plus fous ». Elle évoque une citation de Marie Curie qu’elle considère comme un modèle à suivre : « La vie n’est facile pour aucun de nous. Mais quoi, il faut avoir de la persévérance, et surtout de la confiance en soi. Il faut croire que l'on est doué pour quelque chose, et que, cette chose, il faut l’atteindre coûte que coûte ».

Cette citation lui paraît particulièrement inspirante pour les femmes : « En tant que femmes, on a tendance à avoir moins confiance en nous. On a l’impression qu’il faut attendre de se sentir complète avant de se lancer dans quoi que ce soit. Il me semble que les hommes ont plus d’audace, ils ne vont pas hésiter à partir à l’aventure. J’ai vraiment envie de dire aux femmes qu’elles sont aussi capables que les hommes, qu’importe le domaine, qu’importe le sujet. ». Elle nous raconte avoir rencontré beaucoup d’hommes qui n’étaient pas d’excellents mathématiciens mais qui ont eu l’audace de faire ce qu’ils voulaient, alors que beaucoup de filles n’osent pas.

« Quand on est une femme, avec tous les stéréotypes qui existent, il ne faut pas s’attendre à ce que la société nous pousse. Il faut oser. Certes, l’inconnu peut faire peur. Mais on ne peut pas s’améliorer, on ne peut pas exceller si on ne sort pas de notre zone de confort »

affirme avec conviction Oumaima El Mansouri.

La jeune docteure porte le voile et assume ce choix : « Il faut avant tout s’écouter, et respecter ses propres choix et objectifs. Sinon, on ne se sent pas épanoui et on regrette de ne pas rester soi-même. Peu importe les préjugés, il faut se dire qu’on a notre place ici ! Parfois je ne vous cache pas que j’étais stressée. Après avoir échangé par téléphone avec un recruteur, j'appréhendais les entretiens où on allait me voir. Mais les gens sont plus ouverts d’esprit que ce qu’on nous laisse croire. ». Son voile ne l’a empêché ni d’achever sa thèse, ni d’obtenir un emploi. Elle a trouvé du travail en tant qu’ingénieure chercheuse dans la startup Abelio, spécialisée dans le traitement d’image de drones. Celle-ci propose aux agriculteurs une surveillance aérienne de leur culture : « La question de l’environnement me touche beaucoup, c’est une nouvelle aventure que je suis impatiente de découvrir », nous confie la jeune docteure avec enthousiasme.

Grâce à des recherches en imagerie menées pendant trois ans, Oumaima El Mansouri a permis à l’endométriose de sortir de l’ombre et avec elle, des milliers de femmes vivant dans la souffrance. La jeune chercheuse pleine d’ambitions nous prouve que les algorithmes, c’est bien plus que des mathématiques abstraites. Derrière son allure de scientifique, Oumaima El Mansouri est une chercheuse bien déterminée à faire évoluer les mentalités. Une carrière à suivre de près…

Oumaima El Mansouri est doctorante à Toulouse INP. Elle mène ses recherches au sein de l’Institut de Recherche en Informatique de Toulouse-IRIT (CNRS, Toulouse INP, Université Toulouse I - Capitole, Université Toulouse - Jean Jaurès, Université Toulouse III - Paul Sabatier)

Remerciement spécial à Cyril Hermosilla, étudiant à l'École nationale supérieure d'architecture de Toulouse (ENSA-Toulouse) pour la réalisation de cette bande-dessinée.

Découvrir son profil  Instagram : https://www.instagram.com/cyrillustrations/

Aller plus loin :

• Santé des femmes, endométriose, précarité, Inserm, 2022

• Endométriose : les projets de recherche en cours à l’Inserm, Inserm, 2022

• Recalage et fusion d'images échographiques et par résonance magnétique au service de la chirurgie de l'endométriose, Youssra El Bennioui, Oumaima El Mansouri, Fabien Vidal, Adrian Basarab, 2023