IA au travail : mon patron est un robot
Que retiennent les lycéens de ce que qu’ils voient et entendent dans les médias ? Environnement, Santé, Intelligence Artificielle : le podcast "Au crible de la science" décrypte l’actualité vue par les lycéens, avec l’aide de deux scientifiques invités. Prêt à stimuler votre esprit critique ?
Qu’elle soit numérique ou robotique, l’intelligence artificielle (IA) est devenue un outil de travail présent dans de nombreux domaines. Les progrès de cette technologie et ses usages posent toutefois de nombreuses questions aux élèves de Terminale du Lycée Déodat de Séverac à Toulouse. Remplacera-t-elle l’homme, le subordonnera-t-elle au travail, ou au contraire sera-t-elle son meilleur équipier ? Les chercheurs Rachid Alami, spécialiste de l’interaction Homme-machine et le sociologue Yann Ferguson, spécialiste du rapport entre l’IA et l’humain au travail donnent des éléments de réflexion.
Morceaux choisis
« L’automatisation a déjà remplacé l’humain dans beaucoup de tâches mécaniques, répétitives, dans les usines par exemple. Et puis est venue s’ajouter la numérisation avec de l’informatique classique. Aujourd’hui, l’IA et la robotique avancée apportent des choses nouvelles. Elles commencent à remplacer l’humain dans la décision, le raisonnement, dans des tâches qui nécessitent une perception évoluée, une bonne dextérité, comme la traduction ou l’aide au diagnostic médical. »
« Oui l’IA peut remplacer l’humain dans beaucoup de tâches. Pendant longtemps, cette IA travaillera avec l’humain, elle l’accompagnera. Le risque est qu’il ne faudrait pas que l’IA soit amenée, par l’Homme, à le remplacer dans des tâches qui contiennent de l’humanité. C’est là que se pose éventuellement la difficulté. C’est à la société de faire que tout cela aille dans le bon sens. »
« Je travaille sur le robot assistant, le robot équipier qui fera la tâche pour l’humain. Et on se rend compte à quel point ce qui semble très simple est complexe et très fin. A quel point nous avons des boucles d’interactions très fines entre deux personnes qui travaillent ensemble. Avec l’IA, c’est très complexe, mais nous allons vers cette subtilité. »
« Le risque que nous voyons aujourd’hui est l’atomisation du travail : le découper en tranches fines. L’humain qui fait la tâche avec la machine est déresponsabilisé ou ne va plus avoir de vue globale de la tâche mais seulement des petits morceaux. Il va devenir le chainon manquant que l’on ne peut pas automatiser. Et on lui enlèvera tout le reste. Ce danger-là existe. »
Rachid Alami : Ingénieur informaticien, chercheur CNRS, au Laboratoire d'analyse et d'architecture des systèmes (LAAS-CNRS). Porteur d'une chaire académique sur la robotique interactive et cognitive au sein de l’Institut d’Intelligence Artificielle et Naturelle de Toulouse (ANITI).
« On a coutume de penser en tant qu’espèce que notre supériorité sur le vivant nous vient de nos capacités intellectuelles. Avec la prise de conscience écologique, on constate que nous n’exerçons pas cette supériorité avec énormément de bienveillance. Donc on se pose la question : et si jamais une entité émergée, plus intelligente que nous, nous fait subir ce que nous faisons subir aux espèces vivantes au nom de cette supériorité intellectuelle ? »
« Cette idée selon laquelle l’Homme se réalise à travers le travail est assez récente. Avec la révolution industrielle au début du 19ème siècle, le travail est devenu une valeur sociale. Depuis les années 80, on discute de la remise en question de cette valeur travail. On commence à se dire qu’il a pris une place excessive dans notre existence et que l’humain a peut-être besoin d’autre chose pour se réaliser, sous peine d’être extrêmement fragilisé si le travail ne se passe pas bien. »
« L’IA nous amène à élargir notre regard sur ce qu’est l’intelligence. On a tendance, dès l’école notamment, à valoriser la dimension logique et cognitive au détriment de l’intelligence sensorielle, émotionnelle. Tous ces éléments qui interagissent en nous depuis des millénaires pour régler des problèmes. Il y a un enjeu à rétablir l’équilibre dans la force de l’intelligence. Amener l’IA à cet ensemble d’ingrédients est un vrai défi. »
« Si je vois une domination, c’est plutôt celle d’une passivité devant les usages. Par exemple se limiter à deux ou trois occurrences proposées lorsque l’on fait une recherche sur Google. L’IA probablement apportera d’excellentes réponses, mais elle ne répondra bien qu’à la bonne question. »
Yann FERGUSON : Sociologue, enseignant à l’ICAM de Toulouse. Chercheur au Centre d'Étude et de Recherche Travail, Organisation, Pouvoir (Certop) de l’Université Toulouse - Jean Jaurès. Membre du Partenariat Mondial pour l’Intelligence Artificielle (PMIA).
Références conseillées par les invités
- « Robots » à la Cité des Sciences et de l’Industrie à Paris : exposition permanente. 30, avenue Corentin-Cariou, 75019 Paris.
- Le cycle des robots, Isaac Asimov : romans et recueils de nouvelles SF en 5 tomes, qui ont inspiré le film I, Robot. Première parution : 1950.
- Les Temps modernes (Modern Times) : film de et avec Charlie Chaplin (1936). États-Unis ; 87 min.
Consulter le dossier pédagogique de la thématique Intelligence artificielle
Le podcast Au Crible de la Science est une coproduction Université fédérale Toulouse Midi-Pyrénées - Exploreur et Quai des Savoirs.
Présentation : Sophie Chaulaic - journaliste.
Préparation : Catherine Thèves, chercheuse CNRS.
Réalisation : Arnaud Maisonneuve.
Technique : Vincent Navarro.
Production radiophonique conçue en partenariat avec le Ministère de la Culture, l'Académie de Toulouse et Campus FM.