L’exil républicain espagnol : la Retirada... Il y a 80 ans

Partagez l'article

Cultures・Sociétés

L’exil républicain espagnol : la Retirada... Il y a 80 ans

Retirada
© Droits réservés

Les crises migratoires se suivent et ne se ressemblent pas… Il y a 80 ans, plus de 500 000 espagnols traversent les Pyrénées. Les familles d’exilés et les chercheurs reviennent sur les conditions d’accueil et l’intégration de ces républicains espagnols. En 2019, c’est le temps du travail de mémoire de la Retirada mais aussi celui des analyses historiques de l’exil.

Par Elie Brugarolas.

Les républicains espagnols n’ont jamais eu plaisir à célébrer la Retirada. Ils ont attendu que disparaissent les derniers adultes qui vécurent cet épisode pour commencer le travail de mémoire. Depuis quelques années, on commémore ce qui fut pour de nombreux antifascistes une défaite et un difficile exil marquant la fin de la guerre civile.

Accueillir 500 000 réfugiés en 3 mois

Début 1939, l’avancée des troupes franquistes en Catalogne provoque la chute de Barcelone. Dès janvier, plusieurs centaines de milliers de catalans rejoignent le flot d’autres espagnols fuyant le franquisme. Des civils républicains et des militaires décident de traverser les Pyrénées, vers la France. Ils craignent les représailles. Ils s’entassent à la frontière, sous les bombardements des franquistes et de leurs alliés allemands et italiens. Le nombre d’exilés est estimé à 500 000, une partie d’entre eux quittera le sud de la France, certains reviendront progressivement en Espagne, on estime à plus de 250 000 ceux qui resteront en France.  

La France ne sait pas comment réagir face à cette vague d’immigration. Le gouvernement n’avait pas imaginé cet afflux massif de réfugiés dont de très nombreux “rouges” communistes, anarchistes, socialistes. Cependant, les valeurs républicaines enjoignent l’État français à aider les populations aux abois. L’administration débordée entasse les réfugiés civils dans les « camps de concentration », et plus tard autorise l’entrée des combattants qui furent aussi parqués dans des camps du sud de la France.

Une communauté consciente de sa situation irréversible qui s’oriente vers une intégration réussie.

La population d’abord hostile s’accommode peu à peu de la présence des exilés. L’implication des républicains espagnols dans la résistance et dans toutes les luttes antifascistes lors de la deuxième guerre mondiale sont un gage permettant l’intégration définitive des républicains dans la société française. Beaucoup moururent au combat ou dans les camps nazis.

Plus que l’évènement lui-même, les commémorations de la Retirada rappellent l’apport de cette communauté d’exilés. Bien sûr, ils souhaitaient regagner au plus vite leur pays libéré du fascisme. Après 1945, résignés, les républicains eurent la volonté d’intégration dans le monde économique, culturel et artistique. Ils y apportent beaucoup, en témoignent les nombreux documents, expositions, films qui relatent la période après- guerre. Dans les grandes villes du sud de la France, des quartiers entiers devinrent des quartiers espagnols. Des associations irriguèrent le tissu social. Encore aujourd’hui, des chercheurs, historiens en majorité, travaillent tant sur l’événement de la Retirada que sur l’apport de ces exilés dans la société française et espagnol.  

Le colloque organisé du 8 au 10 octobre 2019, par l’Université Toulouse - Jean Jaurès, l’Institut national universitaire Jean-François Champollion d’Albi, et l’Université Toulouse 1 Capitole se consacre à l’histoire de l’exil républicain. Il donne la parole aux historiens aux côtés des « passeurs de mémoire ». Au-delà du bilan historiographique, il revisite à la fois les différentes périodes de cet exil, mais aussi interroge le rôle politique, économique, social et culturel des exilés espagnols – hommes et femmes - de 1939 et de leurs descendants en France dans la lutte contre la dictature franquiste.

 

 Références bibliographiques :

  • Vargas Bruno, Amalric Jean-Pierre et al., Huit ans de République en Espagne. Entre réforme, guerre et révolution (1931 1939), Toulouse, PUM, 2018

  • Debord Didier et Vargas Bruno, Les Espagnols en France. Une vie audelà des Pyrénées, Éditions de l’Attribut, 2010

  • Alted Alicia et Domergue Lucienne, L’exil républicain à Toulouse, Ed. française, Toulouse, Presses universitaires du Mirail (PUM), 2004, (réédité en 2019), 300 p.

  • Dreyfus Armand Geneviève, L’exil des républicains espagnols en France, De la Guerre civile à la mort de Franco. Paris, Albin Michel, 1999, 475 p.