L’intelligence artificielle va-t-elle révolutionner les services publics ?

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Droit・Entreprises

L’intelligence artificielle va-t-elle révolutionner les services publics ?

ia et services civiques
© Darshan Gajara, by Unsplash

L’intelligence artificielle devient incontournable dans tous les domaines de la société. Quels changements va-t-elle induire dans les services publics ? L’émission d’Investiga’Sciences propose un tour d’horizon des valeurs ajoutées et des risques liés à l’introduction de l’IA dans nos institutions.

Par Valérie Ravinet, journaliste. Podcast enregistré le 22 mars 2020 à Toulouse.

Avec le sociologue Yann Ferguson, chercheur associé du Centre de recherche sur le travail, l’organisation, le pouvoir (Certop) et Mustapha Derras, le directeur des technologies, de la recherche et de l’innovation de l’éditeur de logiciels et de services numériques Berger-Levrault.

Morceaux choisis

Se poser les bonnes questions et poser un cadre

Yann Ferguson : Quelles sont les attentes des collectivités par rapport aux IA ? Ces attentes sont-elles bien formalisées ? »

Mustapha Derras : « La technique ne doit pas devenir le but en soi : le moyen est technique, le but doit rester politique ».

YF : « L’IA pourra améliorer le vivre ensemble et notre capacité à faire société si elle permet de se concentrer sur de réels problèmes humains, avec des institutions au service des valeurs françaises, liberté, égalité, fraternité ».

MD : « Une technologie est un outil qui n’est que ce que l’on en fera. La communauté a tout à gagner à intégrer des outils qui lui permettent d’améliorer son efficience ; il appartient aux agents du service public de mesurer la qualité du service rendu grâce à l’IA ».

Mettre en exergue les valeurs ajoutées…

MD : « L’IA constitue un outil qui permet de transformer radicalement certains services et de les optimiser. Par exemple, pour une tournée d’entretiens des espaces verts : l’IA permet de cibler la plantation des essences au bon moment au bon endroit, d’améliorer le suivi des cultures et leurs apports nécessaires… ».

YF : « Il y a énormément d’intérêt à introduire des outils de type IA pour optimiser l’allocation de ressources financières ou naturelles, parce qu’ils permettent de prioriser les besoins ; c’est l’un des aspects où l’IA fait consensus ».

MD : « Le changement de méthodes est radical, avec un impact positif sur la gestion des ressources humaines. L’IA permet de modéliser le fonctionnement des processus et est rendu applicable dans bien des domaines, comme la gestion des urgences en santé ou l’évolution des réseaux routiers par exemple. ».

YF : « L’IA pourrait favoriser une approche des 4 P, développée dans le secteur de la santé : personnalisé, prédictif, préventif, participatif ».

MD : « Il faut passer à une gestion intelligente de la donnée, du big data au smart data ».

Et pointer les risques  

YF :« L’introduction des IA ne doit pas être une opportunité de réduire les moyens alloués aux services publics.

YF : Le danger consiste à adopter une approche technocratique de la relation entre les citoyens et les institutions. La démocratie n’est pas un supermarché où l’on vient chercher nos allocations familiales ou nos aides au logement, c’est un moment où se tisse un pacte social, une définition du vivre ensemble. C’est cet aspect que l’on ne doit pas perdre ».

MD : « A aucun moment, il ne faut tomber dans le piège de l’IA prescriptive : c’est un outil d’accompagnement au déploiement de politiques décidées par les hommes, en responsabilité. »

YF : « On peut redouter l’emprise de l’organisation, où l’IA deviendrait le vecteur d’une bureaucratisation 4.0 pour les administrations, souffrir d’une éviction des pratiques par les processus, par ce qu’on aurait intégré la logique de l’algorithme dans nos organisations ».

YF : « Autre élément d’inquiétude : la passivité de l’utilisateur, liée à la confiance excessive que l’on porte à la machine ». 

Apprendre à mettre en perspective

YF :« L’IA est lié dans son processus de conception à des biais cognitifs, positifs comme négatifs, dont on a peu conscience : ce sont des constructions sociales naturalisées selon les termes consacrés en sociologie. Les concepteurs transposent la culture d’appartenance et leur propre histoire dans les programmes et l’IA contribue à une dynamique d’uniformisation. Nos outils ne sont donc pas neutres, ils sont liés à la culture de nos concepteurs ».

MD : « La technologie n’a pas de dimension humaine, elle est par essence neutre. En localisant les apprentissages, on corrige certains biais »

YF : « Grâce à Aniti, une nouvelle ère s’ouvre à Toulouse pour échanger sur les thématiques de l’IA ; il faut garder l’agilité et des approches non conventionnelles pour développer des IA pertinentes ». 

 

A propos des intervenants

Yann Ferguson est docteur en sociologie, enseignant-chercheur à l’Icam site de Toulouse, Responsable des enseignements Humanités. Il est chercheur associé au Centre d’Etude et de Recherche Travail Organisation Pouvoir (CERTOP). Ses travaux portent sur les transitions digitales et écologiques pour envisager les nouveaux comportements individuels, organisationnels et sociétaux.

Mustapha Derras  est docteur en informatique et système, ingénieur de l’École Polytechnique Clermont-Ferrand et diplômé d’un Exécutive MBA de l’ESSEC. Il est aujourd’hui directeur des technologies, de la recherche et de l’innovation chez l’éditeur de logiciels Berger-Levrault, au service des citoyens et des territoires.

 

Écoutez Investiga'Sciences#2

 

À propos d’Investiga’Sciences

investiga sciences

Investiga’Sciences est une série de podcasts scientifiques, dont l’objectif est d’explorer un sujet avec deux experts, dans un débat au long cours. Chaque épisode est dédié à un thème et croise les regards et les expériences pour comprendre ses enjeux, ses défis, ses perspectives. Créé par la journaliste Valérie Ravinet, ce projet est soutenu par ANITI et l’Université fédérale Toulouse Midi-Pyrénées. Ont contribué à la réalisation de cet épisode :  le dessinateur Ström pour le visuel,  le Studio du Cerisier pour la prise de son et le jingle.