Dossier
PLASTIQUE De la passion à la raison
L’heure du désenchantement est arrivée pour les plastiques sur lesquels reposent une grande part du progrès technologique et médical dont nous profitons aujourd’hui. Ce dossier présente des projets de recherche toulousains qui contribuent à penser ces polymères synthétiques en transition !
Éditorial
Par Carlos Vaca-Garcia, enseignant-chercheur à Toulouse INP et directeur du Laboratoire de Chimie Agro-industrielle (LCA - INRAE et Toulouse INP-ENSIACET pour École Nationale Supérieure des Ingénieurs en Arts Chimiques et Technologiques)
Ce printemps de l’an 2020, un nouveau virus envahissait les cinq continents habités. Dépourvue de vaccin et de remède spécifique, l’humanité s’est sentie effroyablement démunie contre ce virus. Même les États les plus avancés en matière de protection de l’environnement ont dû assouplir leur politique de limitation d’objets à usage unique. Alors que le SARS-CoV-2 proliférait, non seulement les masques dits chirurgicaux en polypropylène ont envahi la planète, mais aussi les emballages plastiques pour les denrées périssables et non périssables. Dans cette situation exceptionnelle de crise sanitaire, la santé humaine dépend tout autant de la non-prolifération des agents pathogènes que de la qualité de vie au sens large. La santé de notre habitat, la Terre, en fait partie. Sans eau potable, sans un air propre et sans productions agricoles de qualité, point de salut.
Le moment est opportun, sinon urgent, pour que nous, chercheuses et chercheurs, redoublions nos efforts pour développer des polymères écoresponsables. Mais il ne faut pas se leurrer. Les plastiques ne sont pas toujours évidents à voir. Les masques jetés sur les trottoirs, les bords de route jonchés de bouteilles de boissons et autres détritus ne sont que la pointe infime d’un gigantesque iceberg relevant du monde microscopique.
Et pour cause, aucun polymère n’est éternel. Il est inexorablement dégradé par les micro-organismes ou par l’action de l’érosion, de l’eau ou de l’air, entre autres. Dans le premier cas, il est dit biodégradable et le polymère est idéalement converti en dioxyde de carbone. Moindre mal. Même si parfois cette biodégradation dépasse un peu les délais fixés par certaines normes visant à donner un label de référence. Dans tous les autres cas, les plus nombreux, le polymère est réduit avec le temps, plus ou moins long, à des particules micro et nanoscopiques. Ou bien, il est transformé chimiquement en composés autres que le CO2, aux effets souvent inconnus. Et là, nous ne pouvons plus dire « moindre mal », bien au contraire. D’autant plus que ces polymères sont omniprésents dans les objets du quotidien que l’on ne recycle que rarement : tapis, abat-jours, vernis, meubles fabriqués en panneaux de particules, peintures, cosmétiques, etc. On les trouve même dans les formulations de certains gels hydroalcooliques vendus en parapharmacie. Que deviennent ces fragments de polymères ? Ils sont transportés dans l’air et dans l’eau. Toutes les conséquences sur notre santé ne sont pas encore connues.
Plus que jamais, nous, chimistes et autres scientifiques, devons développer des polymères qui, tout en remplissant leur fonction, minimisent la formation de nanoparticules, soit parce que leur fin de vie est programmée et exécutée dans le cadre d’une filière, soit parce qu’ils seront transformés par les micro-organismes en CO2 et un jour, réintégrés dans la nature en se fixant dans les océans pour faire des coraux ou dans nos champs, grâce à la photosynthèse, en enrichissant nos forêts et nos champs agricoles. Plus que jamais, nous, citoyens et élus, devons faire attention à notre façon de consommer et de gérer nos déchets. Nous devons favoriser la réutilisation et le recyclage. Nous devons préférer aux décharges l’incinération contrôlée et le compostage maîtrisé. Nous devons donner au terme « bon sens » toute la plasticité qu’il mérite.