Vous avez dit plastique ?

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Sciences de la matière

Vous avez dit plastique ?

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Le matériau dit « plastique » revêt une réalité bien plus large que celle spontanément imaginée. Décryptage en sept idées reçues avec Maëlenn Aufray, enseignante-chercheuse de Toulouse INP, au Centre inter-universitaire de recherche et d’ingénierie des matériaux (CIRIMAT).

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PLASTIQUE De la passion à la raison

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Par Valérie Ravinet, journaliste.

1 - Le plastique est une matière

Pas tout à fait. Pour les scientifiques, « plastique » n’est pas le nom générique d’un matériau, mais la dénomination d’un comportement mécanique. Lorsqu’on tire sur un matériau et que sa déformation, après un point de non-retour, est irréversible, on parle de comportement plastique. Il s’oppose au comportement élastique, par lequel, lorsqu’on relâche l’effort de tension, le matériau revient à sa forme initiale. Les plastiques sont en réalité des polymères synthétiques.

2 - Tous les polymères ont un comportement plastique

Faux. Les polymères sont des macromolécules, c'est à dire des molécules géantes que l’on trouve partout : dans l’ADN, la peau, les œufs, le bois… Un polymère est le résultat d’un enchaînement d’un grand nombre de monomères, identiques ou non. Les polymères synthétiques sont représentés par des molécules géantes, admises à partir des travaux du chimiste allemand Hermann Staudinger, qui a reçu le prix Nobel de chimie en 1953.

3 – Les polymères sont forcément synthétiques

Toujours pas. On classe les polymères de différentes manières. Selon une première classification, la première catégorie comprend les polymères naturels, comme l’albumine, le gluten, l'amidon, la cellulose, le collagène de la peau…  La seconde catégorie comprend les polymères artificiels ou semi-synthétiques : légèrement modifiés, comme l'acétate de cellulose, la bakélite, la galalithe. La troisième catégorie regroupe les polymères synthétiques, comme le polypropylène (PP), le polyéthylène (PE), le polychlorure de vinyle (PVC) et le polystyrène (PS), produits à partir de molécules souvent issues du pétrole.

Parmi les polymères synthétiques, une autre classification est proposée, en fonction des coûts : les polymères peu onéreux, comme le polyéthylène (sacs plastiques), les polymères de moyenne gamme, comme le polycarbonate (utilisé pour les biberons, notamment), et enfin les polymères de spécialité ou de haute technicité : le téflon, par exemple.

Dans la recherche, comme dans l'industrie, une troisième classification des polymères synthétiques est opérée, en deux catégories : les thermoplastiques et les thermodurcissables, à laquelle on ajoute, éventuellement, une catégorie hybride, les élastomères. C’est leur manière de réagir à la chaleur qui permet cette classification.

Les thermoplastiques sont fusibles et solubles : ils fondent et sont déformables. Le moulage par injection est typique de ces polymères, que l’on peut apparenter à des spaghettis ou des branches d’arbres : en prenant le temps, on pourra séparer tous les spaghettis ou toutes les branches les unes des autres. Autre qualité, ces polymères sont recyclables, mais pas toujours recyclés !

A l’inverse, les polymères thermodurcissables durcissent de manière irréversible lors de la polymérisation. Cette catégorie s’apparente à un filet de pêche, dont les mailles sont en quelque sorte figées. Ceux-là ne sont pas recyclables. Ils sont couramment utilisés comme colle ou peinture.
On ajoute parfois une autre catégorie celle des élastomères, comme le silicone ou le caoutchouc vulcanisé, qui d’un point de vue mécanique sont très mous, mais infusibles et insolubles.

4 - Les polymères synthétiques sont fantastiques.

Vrai. Ils sont légers, leur coût de fabrication est peu élevé, ils sont pratiques et esthétiques, parce que facilement colorisés et moulés. De plus, ils possèdent des qualités mécaniques extraordinaires, en particulier lorsqu'elles sont rapportées à leur très faible densité. Ce sont ces qualités qui ont permis aux polymères synthétiques de connaitre un essor exponentiel depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Flacons, stylos, jouets, seaux, poubelles, chaises… Tous ces objets font totalement partie de nos vies.

5 - Les polymères synthétiques sont dramatiques.

Vrai également. En résumé : c’est un matériau relativement fragile, qui se recycle mal, perd ses propriétés mécaniques et résiste mal à l'oxydation.

Si l’on regarde de plus près, les polymères synthétiques issus du pétrole sont devenus des objets jetables parce qu’ils sont peu onéreux à fabriquer. Avec une production qui atteint aujourd’hui près de 500 millions de tonnes, contre 1,5 million en 1950, dont plus du tiers utilisé par le secteur de l’emballage, on comprend la dangerosité pour la planète. Sans même évoquer les déchets issus de la dégradation ou décomposition de plastiques en nanoparticules, dont on mesure aujourd’hui le risque pour l’environnement.

Pour les rendre moins toxiques, il faudrait allonger leur durée d’utilisation, ce qui est possible pour de nombreux objets du quotidien, comme, par exemple, favoriser la réutilisation des flacons au lieu de les jeter systématiquement une fois vides.

Enfin, si on prend en compte l’ensemble du cycle de vie des polymères synthétiques, « du berceau à la tombe », de l'extraction des matières premières à leur fin de vie, le coût de revient des objets est bien supérieur au prix de vente affiché, puisque le recyclage coûte cher (lien vers article Paul Périé). Il faut revoir nos indicateurs, les polymères synthétiques sont plus chers qu’on ne le pense.

6 - Les polymères synthétiques sont irremplaçables

Faux. On pourrait les remplacer dans bien des cas. Remplacer des bouteilles plastiques par des gourdes en inox, des semelles de chaussures par du cuir…Ils sont toutefois difficilement remplaçables dans la catégorie hightech, car ils possèdent de très bonnes qualités isolantes et sont légers. Ils constituent par exemple l’un des composants principaux des ordinateurs. Ils sont aussi fort appréciés en remplacement du plomb pour soigner nos dents ! L’enjeu consisterait à fabriquer des polymères quand ils sont vraiment utiles et non jetables.

7– Les chercheuses et chercheurs s’emploient à améliorer les polymères synthétiques

Vrai. Chaque jour, des plastiques nouvelle génération sortent des laboratoires de recherche. Par exemple, des travaux sont conduits pour opérer des changements de couleur quand le polymère se déforme : un casque qui changerait de couleur lorsqu’il subit un choc, une corde d’escalade qui montrerait ses faiblesses, grâce à des marqueurs de couleurs. Cette propriété allongerait la durée d'utilisation de certains objets et nous les rendrait plus fiables. D'autres recherches portent sur la fabrication de polymères de plus en plus techniques, et de meilleure qualité. L’exemple du domaine médical est signifiant, si l’on songe aux prothèses composites et à des substituts de plus en plus complexes, comme les points de suture, dont on sait qu’ils se résorbent en un nombre de jours prédéfinis.

À Toulouse, les chercheurs du Centre Inter-universitaire de Recherche et d’Ingénierie des Matériaux (CIRIMAT) travaillent par exemple sur des adhésifs polymérisables à la demande -ils ne collent pas tant qu'on ne les active pas, et polymérisent, c’est-à-dire durcissent, en quelques minutes à la demande-. Grâce à cette innovation, de multiples applications peuvent être imaginées.

Les scientifiques du CIRIMAT sont aussi impliqués dans des recherches à visée écologique, en collaboration avec d'autres laboratoires. Le projet de panneau « sandwich » OMEGA bio-sourcé pour l’aéronautique, soutenu par l’ADEME, en est un exemple. Il s’agit d’un nouveau panneau à base de fibres de lin et de résine thermodurcissable, que l’on peut installer à bord des avions. Il vise à atténuer l'impact négatif sur la planète des composites. De plus, ses propriétés mécaniques sont en adéquation avec les cahiers des charges aéronautiques, avantageux à mettre en œuvre et les résines sont réutilisables.

Les innovations foisonnent pour nous équiper de polymères économiquement viables et écologiques … affaire à suivre !

 

CIRIMAT : Centre interuniversitaire de recherche et d'ingénierie des matériaux (CNRS, Toulouse INP, Université Toulouse III - Paul Sabatier)