Des robots dans les champs

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Des robots dans les champs

Naïo le robot
Oz, le robot de désherbage autonome et électrique, a été commercialisé à 60 exemplaires chez des maraîchers diversifiés principalement. © Tien Tran / Naïo Technologies

Quand deux étudiants concernés par le développement durable et passionnés de robotique se rencontrent, naît Naïo Technologies, dont les robots aident à une agriculture plus productive et plus respectueuse de l’environnement.

Par Anne Lestrelin, journaliste scientifique.

Il était une fois un robot né d’une asperge… Le raccourci est un peu rapide, mais l’histoire des robots de Naïo Technologies prend bel et bien racine à la Fête de l’asperge de Pontonx-sur-l’Adour (Landes) en 2010.

« Lors de cette fête, un producteur m’a fait part de ses difficultés à trouver de la main-d’œuvre en raison de la pénibilité du travail. Moi qui suis passionné de robots, j’ai été surpris qu’aucune machine n’ait encore été développée pour assister les agriculteurs dans ces tâches ingrates et répétitives. »

À l’époque, Gaëtan Séverac s’apprête à démarrer sa thèse en robotique à l’ONERA après une formation d’ingénieur en alternance entre l’IMERIR à Perpignan et le LAAS-CNRS à Toulouse.

L’embryon de Naïo commence alors à germer dans l’esprit de son futur directeur général.

De son côté, à la sortie de l’IMERIR, Aymeric Barthes part travailler pour une société de services informatiques. Mais il réalise vite que ce dont il a vraiment envie, c’est de créer une entreprise. Dans quel domaine ? Cela reste à définir ! Alors, quand les deux amis de promo se retrouvent à un apéro entre "anciens" de leur école, la mise en commun de ces deux projets apparaît comme une évidence.

Ils commencent avec une tâche simple et commune à l’ensemble des agriculteurs : le désherbage. Quelques outils, une vieille tondeuse, un moteur d’essuie-glace de camion, des roues de caddie et de motoculteur... et voilà l’ancêtre du robot Oz qui voit le jour. 

« Ce bricolage ne servait à rien, mais il roulait. Nous avons pris conscience qu’il fallait nous entourer de professionnels, car il nous manquait de nombreuses compétences ! »

se souvient Aymeric Barthes, président de la société.

NOUS AVONS DÛ LES CONSOLIDER ET TRAVAILLER À UNE FORME PLUS GÉNÉRIQUE

En 2011, Naïo Technologies voit le jour. Durant l’été 2012, un prototype du futur robot Oz effectue ses premiers tours de roue dans les couloirs du LAAS-CNRS, associé dès le début de l’aventure en mettant des stagiaires à disposition de la start-up.

« Le premier a travaillé sur l’identification de la zone navigable à partir d’une caméra embarquée sur le robot. Le second, embauché par Naïo à l’issue de son stage, s’est intéressé au module de commande pour qu’il suive une rangée à partir de capteurs laser »

détaille Michel Devy, directeur de recherche dans ce laboratoire.

Le projet innovant de Naïo séduit les investisseurs et les agriculteurs. Fin 2013, la première levée de fonds réunit 80 000 euros sous forme de " love money " (financement participatif auprès des familles et des amis) et Naïo réalise un exploit : ses 5 robots désherbeurs Oz sont commandés avant même d’être produits. Pour sa deuxième levée de fonds destinée à industrialiser la production, Naïo fait appel à deux plates-formes de crowdfunding (WiSEED à Toulouse et SmartAngels à Paris) et des business angels. La jeune entreprise recueille 730 000 euros. Mais fin 2014, alors que Naïo travaille sur de nouveaux prototypes dédiés aux grandes cultures légumières (robot Dino) et aux vignes (petit Bob et grand Ted), la progression des ventes n’est pas à la hauteur des attentes et les premiers problèmes apparaissent sur les robots Oz.

« Les agriculteurs n’utilisaient pas nos robots comme nous l’avions imaginé. Ils s’abîmaient plus vite que prévu ou nécessitaient des mises au point différentes pour chaque client. Nous avons donc dû les consolider et travailler à une forme plus générique »

explique Aymeric Barthes.

En 2015, les ventes repartent, mais la trésorerie fond… Une troisième levée devient nécessaire. Une partie des 3 millions d'euros récoltés part dans l’optimisation d’Oz. Le reste est investi dans la poursuite du développement des trois autres robots : Dino , Bob et Ted . Ce dernier, à vocation viticole, est le fruit d’un partenariat avec le LAAS-CNRS et l’Institut français de la vigne et du vin (IFV). Les trois partenaires enchaînent sur le projet " RoViPo " (robot viticole polyvalent) qui, au-delà du désherbage, surveillera les cultures et leur appliquera des traitements de manière sélective. L’équipe du LAAS-CNRS travaillera aussi avec Naïo sur le projet "DESHERB’EUR" pour la conception et le développement de capacités avancées de navigation dans les petites et grandes exploitations.

En novembre 2016, la start-up a organisé le premier Forum international de la robotique agricole (FIRA), qui a attiré 200 visiteurs professionnels. « Un marché énorme est en train de voir le jour. Nous en sommes aux balbutiements et Naïo a décidé d’être à la base de la structuration de cette filière émergente ! » conclut Gaëtan Séverac, qui a deux conseils à donner aux étudiants désireux de se lancer dans l’aventure entrepreunariale : « Foncez ! Créer sa boîte à la sortie de ses études, c’est tout à fait possible. Mais mettez le client final dans la boucle dès le début, créez votre produit en collaboration. » À bon entendeur…  

Chiffres-clés

  • 20 salariés
  • 28 ans de moyenne d’âge
  • 5 modèles de robots
  • 70 robots en service en France et à l’étranger
  • 305 k€ de chiffre d’affaires en 2015

Un exemple d'application : le Campus innovant

Interview de Nathalie Del Vecchio, maître de conférences en gestion à l’Université Toulouse III – Paul Sabatier

Vous coordonnez le projet de jardins agroécologiques lancé le 29 novembre dernier dans le cadre du Campus innovant de l’Université Toulouse III - Paul Sabatier. De quoi s’agit-il ? 

Il s’agit de promouvoir et de pratiquer l’agroécologie sur le campus, pour tous les personnels, les étudiants et les habitants du quartier. Nous installons des potagers fleuris, un vignoble expérimental, des vergers et des ruches connectées. Ces jardins sont en effet des espaces d’expérimentation et de partage de savoirs.

Quel rôle a joué Naïo dans le projet ?

Nous avons contacté Naïo qui nous a proposé de nous offrir des plants de vignes sur lesquels ils vont tester leur robot enjambeur viticole Ted. Il réalisera le désherbage mécanique des adventices sous le rang. Nous travaillons avec eux sur le cahier des charges et les aspects techniques des plantations.

Qu’apporte la présence de Naïo sur le campus ?

Cette présence s’inscrit dans l’esprit du Catalyseur, destiné à promouvoir l’entrepreneuriat étudiant et l’innovation ouverte. En particulier, les étudiants du master Robotique pourront observer la réalité du travail de R&D. Nous espérons que cela créera des vocations !

 

IMERIR : Institut méditerranéen d’étude et de recherche en informatique et robotique.

TED : La phase de conception de Ted a bénéficié en 2014 de l’appel à projets de recherche EasyNov de la Région Midi-Pyrénées.

DESHERB’EUR : Projet financé sur 42 mois dans le cadre de l’appel à Projets structurants des filières agricoles et agroalimentaires (PS2A).