DIVERSITÉS

ÉDITORIAL

Par Catherine Jeandel, chercheuse CNRS au Laboratoire d'études en géophysique et océanographie spatiales (LEGOS).

Chacun s’accorde pour dire que la diversité est une richesse, mais au-delà des discours, en faire un levier de créativité scientifique, de production de connaissances et de richesse culturelle est un enjeu.

Enjeu qu’ambitionne de relever l’Université fédérale Toulouse Midi-Pyrénées, particulièrement diverse. En effet, elle regroupe quatre universités, un Institut national universitaire, 18 écoles d'ingénieurs et écoles spécialisées, un centre hospitalier universitaire, sept organismes de recherche, implantés dans onze villes sur huit départements, tous au service de la formation de plus de 100 000 étudiants et activateurs de recherches, des plus fondamentales aux plus appliquées… on en aurait presque le vertige !

Ce premier dossier de la nouvelle version d'Exploreur illustre avec succès combien les diversités méritent d’être perçues comme une richesse, qu’elles soient organisationnelles dans l’entreprise, culturelles ou biologiques. Il nous régale d’exemples convaincants sur le caractère résiliant, enrichissant et producteur de savoirs des diversités.

De nombreuses tribunes soulignent aujourd’hui les dangers des formations trop formatées conduisant à une pensée monolithique… la suppression envisagée de l’ENA est un exemple très actuel de réaction à ces débats. Les travaux décrits dans ce dossier sur le développement de la responsabilité sociale des entreprises (RSE), le témoignage de Zohra Guerraoui sur les « bouillons de culture », le lien fort entre diversité alimentaire et cosmopolitisme urbain et les politiques variées faces aux migrations bousculent (positivement !) ces schémas de pensées classiques.

Si l’on constate que la prolifération vertigineuse du chancre coloré est due à l’uniformité des platanes du Canal du Midi… la puissance de la diversité de notre microbiote intestinal ou la capacité d’adaptation des poissons grâce à leur particularité démontrent combien la résilience des systèmes biologiques dépend de cette diversité.

Les outils de la vie courante sont souvent pensés pour une majorité, comme par exemple notre quotidien l’est pour les droitiers… là encore, le bénéfice pour tous d’une application mathématique pensée au départ pour des handicapés renverse ce paradigme.

Enfin, la résilience d’un territoire comme celui de notre région face aux multiples attaques de nature anthropique repose sur sa diversité biologique et intellectuelle, amenant un grand nombre de scientifiques à s’associer pour le diagnostiquer et l’étudier sur le long terme.

« Le progrès nait de la diversité des cultures et de l’affirmation des personnalités. »

Pierre Joliot-Curie

Un dossier Exploreur à venir pourrait mettre en exergue comment la communauté scientifique et universitaire s’organise pour gérer la diversité des structures, la diversité de l’offre d’enseignement, la diversité des domaines scientifiques étudiés, la diversité des étudiantes et des étudiants. L’ensemble implique une diversité des missions pour la recherche et l’enseignement supérieur. Il s’agit à la fois de respecter les personnalités, de considérer chacun pour ce qu’il a d’unique et de l’associer à une démarche de formation adaptée à ses ambitions. Abondamment discuté lors du premier forum Facs3i les 9 et 10 janvier derniers, le développement de projets interdisciplinaires fructueux requiert la rencontre des divers acteurs, l’écoute mutuelle pour comprendre la diversité des langages et approches des disciplines, bases essentielles de la co-construction de concepts ou d’objets innovants.

Un nouveau paradigme pourrait poser la diversité comme une condition nécessaire à protéger et faciliter pour que les organisations et les humains qui les composent puissent faire face aux enjeux contemporains, et s’adapter à un monde en état de choc économique, culturel et climatique.

LEGOS : Laboratoire d'études en géophysique et océanographie spatiales - CNRS, IRD, Université Toulouse III - Paul Sabatier, CNES.