Des fauteuils « en or » pour les JO paralympiques 2024

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Sciences de la matière

Des fauteuils « en or » pour les JO paralympiques 2024

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Concevoir des fauteuils sur-mesure pour des sportifs de haut niveau en situation de handicap : c’est l’objectif du programme de recherche national Paraperf, auquel participe des scientifiques toulousains. De nouveaux couples athlètes/fauteuils pour des performances accrues, avec un objectif de médailles pour les jeux paralympiques de 2024.

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Par Valérie Ravinet, journaliste.

« Nous n’offrons pas des médailles d’or, mais on peut aider à les obtenir ! »

se réjouit le spécialiste de biomécanique Bruno Watier.

Au sein du Laboratoire d'analyse et d'architecture des systèmes (LAAS-CNRS), l’enseignant-chercheur de l’Université Toulouse III - Paul Sabatier Bruno Watier planche depuis 2018 sur l’optimisation du couple homme/fauteuil dans le domaine du sport de haut niveau. Avec son collègue de l’Institut Clément Ader, Yann Landon, il est à l’origine de la conception de deux fauteuils adaptés, l’un pour l’escrimeur Maxime Valet, vice-champion en coupe du monde handisport en 2019, l’autre pour le joueur international de parabadmington David Toupé, pionnier de la discipline.

Je m’adapte, tu t’adaptes, on s’adapte

L’activité de recherche de l’équipe menée par Bruno Watier est principalement axée sur l’étude du comportement de la mécanique humaine, la biomécanique. Quelles sont les forces qui nous permettent de créer le mouvement ? Quels sont les muscles à l’œuvre ? « Il s’agit de quantifier, mesurer, analyser les forces permettant de générer, en l’espèce, la meilleure performance en optimisant le couple sportif-fauteuil ».

La forme du fauteuil, sa résistance, ou au contraire, sa souplesse, sont des éléments essentiels pour permettre au sportif d’atteindre sa performance optimale. « Tout dépend du sport concerné », explique Bruno Watier. Parfois, le fauteuil ne doit pas se déformer du tout, comme au tir, où il est nécessairement rigide et immobile ; au contraire, en escrime, il faut que le fauteuil soit élastique, pour aller aussi loin que possible en avant comme en arrière. « Le fauteuil est sport dépendant, et encore plus sportif dépendant, puisque les types de handicap diffèrent d’un individu à l’autre ». Un travail au cas par cas, qui commence par des rencontres avec les athlètes, pour envisager ce qui selon eux nuit le plus à leur performance et prendre toutes les mesures. « Une amélioration de 1% de la performance peut suffire pour gagner ! »

C’est là qu’intervient le savoir-faire de Yann Landon, spécialiste des matériaux à l’Institut Clément Ader, dont l’activité est dédiée à l’étude des structures, des systèmes et des procédés mécaniques qui œuvre en particulier dans le domaine aéronautique et a développé une forte compétence en matériaux composites. Alors que les fauteuils pour personnes en situation de handicap sont en général conçus en aluminium et en acier, des matériaux résistants mais assez lourds, Yann Landon teste le composite. Avec succès : un gain de masse de plus de 20% est atteint sans même diminuer la résistance du fauteuil.

Des médailles pour 2024

Une première expérimentation, lancée sous l’impulsion du Centre de ressources d’expertise et de performance sportives, le Creps de Toulouse, a été conduite en partenariat avec la faculté des sciences du sport de l’Université Toulouse III - Paul Sabatier et le département Humanity Lab d’Airbus. « Ce travail s’est si bien déroulé qu’il a eu un retentissement national », raconte le chercheur du LAAS-CNRS. Lorsqu’en 2019, l’État lance via l’Agence nationale de recherche (ANR) un appel à projet pour financer des projets de recherche en vue d’améliorer la performance des athlètes et les préparer aux Jeux paralympiques de Paris 2024. L’Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep) propose à l’équipe toulousaine de se joindre au dépôt de candidature nationale pour le projet Paraperf.

« C’est le seul projet axé sur la performance paralympique soumis et retenu »

indique d’ailleurs l’expert en biomécanique.

Accepté en décembre dernier, piloté par le bureau du Premier ministre, le projet s’étalera jusqu’en 2024 avec différentes phases, de la conception à l’entrainement, pour atteindre la performance ultime en 2024. Les équipes toulousaines auront deux ans pour finaliser la recherche, avec un financement total pour le projet de l’ordre de deux millions d’euros. Un post-doctorant et un ingénieur de recherche sont en cours de recrutement à Toulouse pour consolider l’équipe pendant 24 mois.

Des fauteuils pour l’athlétisme, le rugby et le tir

Tous les sports paralympiques ne sont pas inclus dans le projet Paraperf. Seules les fédérations affiliées handisport sont retenues. Les chercheurs toulousains vont s’atteler à concevoir des fauteuils pour trois disciplines en particulier : l’athlétisme, le rugby et le tir. « Pour l’instant, nous ne savons pas si nos préconisations vaudront pour l’ensemble des fauteuils ou si nous travaillerons à les individualiser, en fonction du poste occupé ou en fonction de l’athlète. Nous n’avons pas encore cette vision », confie Bruno Watier.

Il faudra 18 mois pour concevoir les prototypes des fauteuils avant de pouvoir les produire. Puis 18 mois seront à nouveau nécessaires pour entrainer les athlètes avec leurs nouveaux équipements et leur permettre d’atteindre leur niveau optimal, validé par les préparateurs physiques et mentaux, les entraineurs et les chercheurs.

Première étape : obtenir les autorisations du Comité de protection des personnes, le CPP. Une vaste étude qui définira le nombre de sportifs impliqués. « La feuille de route sera claire en septembre 2020. Et si en 2024 on remporte quelques médailles, on sera ravis ! ». A vos marques, prêts, roulez !