Le blob dans l’espace et en classe : la recherche et l’éducation main dans la main

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Terre・Espace

Le blob dans l’espace et en classe : la recherche et l’éducation main dans la main

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© David VILLA / ScienceImage, CBI / CRCA / CNES / CNRS Photothèque

Au cours de mission Alpha, l’astronaute Thomas Pesquet va réaliser à bord de la Station spatiale internationale (ISS) deux expériences toulousaines avec le Physarum polycephalum ou “blob”, organisme monocellulaire aux capacités d’apprentissage étonnantes. L’éthologue Audrey Dussutour a imaginé avec l’aide du CNRS et du Cnes l’opération “Blob-Terre”, qui va permettre à au moins 4500 classes de niveau primaire, collège ou lycée de répliquer les protocoles au sol. Un événement qui cache, au-delà de l’aspect éducatif, un objectif scientifique ambitieux pour étudier l’impact du changement climatique.

Par Fleur Olagnier, journaliste scientifique. Publication de la série Les sciences en apesanteur.

Le “blob”, de son nom scientifique Physarum polycephalum, est une cellule géante dépourvue de cerveau mais capable de se déplacer, d’apprendre et de communiquer avec ses semblables. Cet organisme fascinant fait l’objet de nombreuses recherches, dont celles menées depuis 2008 par Audrey Dussutour, chercheuse CNRS au Centre de recherches sur la cognition animale.

L’éthologue a élaboré deux expériences autour du blob qui vont être réalisées début octobre par Thomas Pesquet dans la Station spatiale internationale (ISS). Dans la première baptisée “Exploration”, deux cellules géantes qui auront voyagé “endormies” seront “réveillées” par réhydratation et placées chacune dans une arène vide, afin d’observer les changements de forme, les vitesses de déplacement et de ré-endormissement. Dans la seconde expérience “Exploitation”, deux blobs seront réveillés en présence de nourriture, chacun au milieu de quatre flocons d’avoine : quel trajet vont-ils emprunter ?

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Myxomycète, Physarum polycephalum ou blob, placé dans sa "Blob Box" avec quatre flocons d'avoine © David VILLA / ScienceImage, CBI / CRCA / CNES / CNRS Photothèque

 

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Différentes étapes du blob placé dans la "Blob Box" avec des flocons d'avoine © David VILLA / ScienceImage, CBI / CRCA / CNES / CNRS Photothèque

 

À noter qu’à ce jour, une seule expérience de ce type a été menée à bord d’une navette spatiale dans les années 1980 et pendant seulement 1h30. « Il faut bien comprendre que les résultats obtenus dans l’ISS ne seront pas exploitables scientifiquement car pour chaque expérience, seules deux itérations seront réalisées, quand un protocole en laboratoire s’effectue sur une cinquantaine de réplicats, concède la chercheuse. Avec deux blobs par manipulation, la représentabilité est trop faible pour généraliser les observations. »

L’opération présente donc sur le court terme un intérêt surtout éducatif, mais devrait également servir à préparer un projet scientifique plus ambitieux…  Plus de 4500 classes sont déjà volontaires pour reproduire ces protocoles sur Terre, un peu après l’astronaute, dans le cadre de l’opération “Blob-Terre”.

 

 

Une semaine d’enregistrement à grande échelle

« Les conditions de température, d’humidité et de luminosité seront similaires à celles au sol. L’intérêt principal sera donc d’observer les effets de la micropesanteur sur le comportement des quatre blobs qui seront filmés en continu pendant une semaine »

explique Audrey Dussutour.

Sur Terre, “Exploration” et “Exploitation” seront reproduites au moins 4500 fois chacune, voire très probablement beaucoup plus si les établissements multiplient les itérations en fournissant un dispositif à chaque classe ou même à chaque élève. « Les protocoles ont été ultra simplifiés pour être techniquement réalisables dans les écoles et dans l’espace. Par exemple, l’agar qui est le support de base du blob a dû être remplacé par du papier filtre pour résister au décollage, partage la directrice de recherches. Ces expériences sont assez éloignées de mes recherches actuelles : le véritable enjeu est de tester le dispositif à grande échelle. »

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Stérilisation du myxomycète, Physarum polycephalum ou blob, dans de l'éthanol © David VILLA / ScienceImage, CBI / CRCA / CNES / CNRS Photothèque
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Collage du myxomycète, Physarum polycephalum ou blob, et des flocons d'avoine © David VILLA / ScienceImage, CBI / CRCA / CNES / CNRS Photothèque

 

Le projet d’une expérience de recherche participative inédite

En effet, si l’essai Blob-Terre s’avère concluant, Audrey Dussutour ambitionne d’organiser, courant 2022 avec le soutien du CNRS, une expérience participative inédite. L’étude, qui ne serait pas réalisable en laboratoire, aura un véritable objectif scientifique.

« L’idée serait d’étudier l’influence des changements climatiques sur le blob »

dévoile l’éthologue.

Précédemment, l’équipe d’Audrey Dussutour en collaboration avec Emmanuel Flahaut, chercheur CNRS au Centre interuniversitaire de recherche et d’ingénierie des matériaux (CIRIMAT) a par exemple analysé l’influence des nanotubes de carbone sur le blob. Ces nanotubes utilisés dans des matériaux composites pour l’aéronautique, l’automobile, l’électronique ou les équipements sportifs se retrouvent en effet dans l’environnement où ils peuvent impacter les êtres vivants. L’éthologue s’est aussi intéressée au vieillissement ou à la communication à distance entre les blobs.

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© David VILLA / ScienceImage, CBI / CRCA / CNES / CNRS Photothèque

« Jamais encore notre équipe ne s’est penchée sur les conséquences du réchauffement climatique sur le blob, assure la chercheuse.

En faisant participer les écoles, les Ehpads et tous les volontaires à une étude à très grande échelle, il sera possible d’effectuer en parallèle de très nombreux protocoles expérimentaux différents.

En l'occurrence, nous pourrions infliger au blob des profils et des gammes de température variés, avec des modifications de l’environnement plus ou moins rapides et plus ou moins intenses. »

 

Le challenge d’Audrey Dussutour sera d’élaborer des formulaires clairs afin que les participants et les participantes puissent décrire précisément ce qu’ils ont réalisé à domicile, afin de rendre les résultats scientifiquement exploitables. En cas de succès, cette opération d’une ampleur inédite devrait permettre de mieux comprendre l’influence globale des changements climatiques sur les êtres vivants. 

 

CRCA/CBI : Centre de recherches sur la cognition animale qui fait partie du Centre de biologie intégrative – CNRS, Université Toulouse III - Paul Sabatier.

CIRIMAT : Centre interuniversitaire de recherche et d’ingénierie des matériaux – CNRS, Toulouse INP, Université Toulouse III – Paul Sabatier