Prendre ou ne pas prendre l’avion pour voyager ?
Imaginons que le scénario du film Le vent se lève de Miyazaki se passe, non plus dans le Japon des années 1920, mais aujourd’hui. De quoi rêverait l’ingénieur.e aéronautique du XXIe siècle ? D’un avion beaucoup plus écologique ? Le transport aérien pollue, c’est un fait. Mais quelles sont les solutions ? Technologiques ? Ou faut-il tout simplement arrêter de prendre l’avion, revoir notre conception même du voyage et apprendre à voyager autrement ?
Au crible de la science est un podcast fait avec et pour les lycéen.ne.s pour faire bouger nos idées reçues.
« Les avions sont des rêves merveilleux et les ingénieurs transforment les rêves en réalité… » Un poil candide le Signore Caproni dans Le vent se lève de Miyazaki ? Reste que pour un.e ingénieur.e en aéronautique dans les années 20 (au Japon comme ailleurs), le défi était de taille : faire des avions… qui volent. Et qui volent bien. Voilà le rêve du jeune Horikoshi, inspiré par Giovanni Battista Caproni. Deux savants inventeurs qui ont réellement fait décoller l’aviation !
De nos jours, c’est un autre défi, de taille, que doivent relever les ingénieur.e.s : faire des avions moins polluants. Caproni regrette les dégâts causés par les avions de guerre… Il n’avait pas vu venir les dégâts écologiques… Ils sont aujourd’hui responsables de 2,6% des émissions totales de CO2. Une proportion qui peut paraître faible, mais qui est amenée à croître très rapidement avec la forte croissance du secteur à l'échelle mondiale. Et 20% des émissions de CO2 rejetées par les avions sont produites par des voyages de moins de 1500 kilomètres qui pourraient être effectués autrement...
Et pas seulement. Ils provoquent aussi, à haute altitude, des trainées de condensation (les lignes blanches dans le ciel). Ce sont en fait des nuages - des cirrus (si vous voulez le placer lors d’un apéro !), formés par la condensation de la vapeur d’eau à la sortie des moteurs. De jolis petits nuages, mais qui pèsent dans le bilan climatique puisqu’ils piègent la chaleur émise par la Terre. Ce phénomène est encore mal quantifié. Mais l’impact de l’aviation sur le réchauffement de la Terre viendrait pour moitié de l’émission de CO2 et pour moitié de ces nuages artificiels !
Les ingénieur.e.s, descendant.e.s de nos deux protagonistes, étudient de nouvelles pistes : kérosène de synthèse, agrocarburants valorisant des déchets de l’agriculture (plutôt qu’une production agricole spécialement destinée à cet effet, comme c’est le cas aujourd’hui)… Ou encore des avions avec des moteurs à hydrogène. Liquide ou gazeux, cet élément pèse peu, par rapport à l’énergie qu’il apporte. Mais il prend beaucoup de place ! Et la technologie est complexe à mettre en œuvre. L’hydrogène liquide, par exemple, doit être conservé à - 250°C. Airbus annonce ses premiers avions à hydrogène… pour 2035. Au plus tôt.
La décarbonation du transport aérien est un problème systémique, global. Qui vient bien au-delà de la conception des engins. Prenez le - futur et hypothétique - avion à hydrogène, une question se pose : Comment sera produit l’hydrogène ? Si c’est grâce à l’électricité (un des moyens pour en fabriquer), viendra-t-elle d’une éolienne ou d’une centrale à charbon ?
Du coup, certain.e.s se demandent s’il est encore raisonnable de prendre l’avion, notamment pour rejoindre les eaux turquoises de Bali ou le bush australien ? « Voyager, découvrir le monde » versus « Ne pas polluer »… Dur dilemme que les spécialistes appellent dissonance axiologique : un désaccord entre nos valeurs, qui interroge nos manières de penser, nos imaginaires et pratiques du voyage en société. Voyager moins loin ? Moins souvent ? Autrement ?
Qu’en penserait Signore Caproni ?
Pour plus d’infos sur le sujet, on écoute l’épisode 2 de la saison 3 du podcast Au crible de la science avec deux scientifiques qui répondent aux questions des lycéen.ne.s.
Andreas Eriksson est docteur en psychologie sociale, sciences de l'information et de la communication environnementale de l’Université de Toulouse III – Paul Sabatier, thèse soutenue au sein du laboratoire Lerass (laboratoire d'études et de recherches appliquées en sciences sociales - Université de Toulouse III - Paul Sabatier) et enseignant au Centre des sciences humaines de l’Institut national des sciences appliquées de Toulouse (CSH - INSA Toulouse).
Bastien Schnitzler est doctorant en mathématiques appliquées, automatique, à l’Isae-Supaero, au sein du laboratoire ENAC-LAB (ENAC). Sa thèse s’intitule Planification de trajectoire d'aéronef léger dans un champ de vent instationnaire et incertain.
Références conseillées par les invités :
- Les idées reçues sur l’aviation et le climat, Carbone 4, 2022
- Cinq mythes sur le transport aérien, Réseau Action Climat, 2015
- Le Monde sans fin, miracle énergétique et dérive climatique, Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici, 2021
- Nus et culottés, Nans Thomassey, Guillaume Tisserand-Mouton et Charlène Grave, 2012
La série de podcasts Au crible de la science est une coproduction Exploreur - Université de Toulouse x Quai des Savoirs - Toulouse Métropole. Préparation : Clara Mauler et Charlène Rivière. Présentation : Claire Burgain et Laurent Chicoineau. Réalisation : Arnaud Maisonneuve. Technique : Thomas Gouazé. Remerciements aux lycéen.ne.s et équipes enseignantes des lycées Paul Mathou à Gourdan-Polignan et Las Cases à Lavaur, au ministère de la Culture, au rectorat de l’académie de Toulouse, à l’IRES, au CLEMI et à Campus FM.
Les podcasts Au crible de la science sont accompagnés d’un kit pédagogique à destination des enseignant·es et des lycéen·nes pour guider l’appropriation de la démarche scientifique et l’éducation aux médias et à l’information.
Consulter le kit pédagogique de la saison 3.